Le quartier américain, qui donne son nom au dernier roman de Jabbour Douaihy, se situe dans la ville de Tripoli, au nord du Liban. Là, vivent des familles pauvres alors que plus loin, en ville, subsistent des villas appartenant à des notables dont le lustre tend néanmoins à diminuer alors que les guerres successives déchirent le pays avant la montée irrésistible de l'islamisme radical. C'est dans ce contexte que Douaihy a construit un roman qui suit en parallèle et sur plusieurs décennies le destin de personnages blessés qui cherchent leur place dans une société de plus en plus marquée par les divisions. Comme un symbole d'un pays, le Liban, longtemps l'eldorado du moyen-orient avant de devenir un lieu de conflits quasi ininterrompus. Le livre est astucieusement construit et diffuse un parfum de nostalgie heureuse à l'image de ces jardins d'orangers qui ont souvent cédé la place à des no man's land. Il y a une douceur de l'écriture chez Douaihy qui contraste avec les événements en cours, destructeurs et sanglants. L'auteur refuse la dramatisation et surtout le manichéisme. Notamment lorsqu'il décrit le cheminement d'un garçon vers le Djihad et qu'il en fait un personnage complexe, nourri d'une histoire familiale qui le sauvera, peut-être, de la perdition. Si les deux figures centrales semblent être Abdel-Karim (le nanti malheureux) et Ismaël (le déshérité fanatisé), opposés de par leurs origines et leur vécu, le personnage d'Intissâr, épouse d'un incapable, mère d'Ismaël et employée d'Abdel-Karim, représente l'espoir et le courage, fil rouge d'un récit qui entrelace subtilement les destins des uns et des autres. Le quartier américain est à la fois concis, intense et poétique, écrit par un auteur lucide qui ne cède cependant jamais au découragement alors même que le chaos menace sa ville et son pays. C'est un très beau roman, rythmé et lancinant, qui recherche et trouve une lumière dans la pénombre.

Cinephile-doux
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le 4 janv. 2017

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Cinéphile doux

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