Alors que mes vacances s’égrènent sans soucis, l’hypokhâgne approche. La bibliographie ressemble à s’y méprendre à un annuaire, et je patauge dedans autant que dans la mer Méditerranée, cadre de mon repos sous le soleil du Midi. Dans cette bibliographie, donc, il y a des essais d’histoire, des livres de géographie, une grammaire grecque et des ouvrages de vocabulaire dans la langue de Shakespeare. Certains livres sont plus simples à lire que d’autres (je recommande d’ailleurs vivement Le mot et l’idée 2 à tous ceux qui aimeraient s’améliorer en vocabulaire anglais !), mais, ô joie !, des romans viennent sauver cette bibliographie. Si la modernité n’en est pas le maître-mot, l’hypokhâgne apprend le patrimoine littéraire, et c’est dans cette optique que j’ai entamé Le Rouge et le Noir.
Livre mythique, chef d’œuvre romantique, « must have » de la littéralement du XIXème, j’en conviens. Je ne l’avais jamais lu, j’en ai honte. J’ai remédié à cette honte en le dévorant : un premier bilan mitigé par le déséquilibre entre les deux parties du roman. Je m’explique : en effet, le roman se scinde en deux parties, la première concernant Julien Sorel de sa rencontre avec des De Rênal jusqu’à son évasion du séminaire à Besançon, la seconde traitant de sa nouvelle vie parisienne jusqu’à son emprisonnement. Je connaissais, évidemment, la passion de Julien Sorel, héros romantique poignant et dont je suis – mea culpa – tombée amoureuse plus rapidement que prévu, pour la somptueuse, sublime et interdite Madame de Rênal, mais je ne connaissais pas la deuxième facette du roman, comme ses amours épistolaires et compliquées avec Mathilde de La Môle.
J’ai (sans aucune hésitation) préféré, sinon la première partie, le premier tiers du roman, où la passion se tisse avec des codes du romantisme, qui m’ont fait penser aux *Liaisons dangereuses* de Choderlos de Laclos, et où la tension est palpable. Les tribulations de Verrières me paraissaient semblables à la nouvelle *Un Cœur simple* de Flaubert : en somme, toute la substantifique moelle du romantisme était là. Pourtant, quelque chose dénotait : le style. Ma professeur de littérature s’était évertuée à nous faire prononcer le pseudonyme d’Henri Beyle à sa juste façon, soit [Standhal] et non [Stindhal] afin qu’il rime avec « scandale » : en lisant *Le Rouge et le Noir*, j’ai compris son obsession. Dans ce style novateur et incisif bien que verbeux, Stendhal s’illustre et expose, dans un chef d’œuvre qui se place au premier rang de la littérature française – Jeanne Mas en a même fait une chanson, c’est dire – les « chroniques de 1830 », l’amour du ver de terre pour une étoile et l’étroite corrélation entre savoir et religion, entre amour et vertu, entre courage et Napoléon.
Une mouche éphémère naît à neuf heures du matin dans les grands jours d'été, pour mourir à cinq heures du soir ; comment comprendrait-elle le mot nuit ?