Incontournable Janvier 2022


Cet hybride album-roman des éditions Québec Amérique nous livre une histoire de résilience, d'amour et de deuil, avec des illustrations sobres dans une palette jumelle de roses et de violets apaisante.


Camille voit son univers basculer le jour où elle entend sa mère hospitalisée lui parler de sa "leucémie". Sur son départ pour la résidence de sa tant qui va l'héberger, elle entre dans un ascenseur de l'hôpital et ce dernier s'arrête soudainement entre le 7e et le 8e étage. Ce vertige qui la gagne, cette impression de basculer et de chuter, ne la quittera plus depuis. Ensuite, nous avons la variation de l'état de la maman, parfois requinquée, parfois affaiblie, les émotions nouvelles et pas faciles à concilier, le changement d'attitude des autres, la peur du mort "mort", le mouvement entre sa maison et celle de sa tante, c'est une histoire en mouvement, en recherche d'équilibre, narré avec douceur, mais sans censurer la réalité pour autant.


La mère de Camille va perdre son combat, malheureusement, ce qui va amener son lot de défis pour la jeune adolescente. Mais dans cette lourde réalité se trouve tout de même l'espoir. Camille rencontre Azadeh, une fille de son école et de son âge, leucémique elle aussi et elle deviendra un facteur de résilience. Leur amitié est belle à voir. La tante de Camille, jumelle de Juliette, la mère, vit aussi son lot de défis et de souffrances. le fait d'être devenue la tutrice de sa nièce est ce qui la motive à surmonter le tout. J'aime qu'on ne cache pas la souffrance des adultes, parce qu'il faut normaliser les émotions associées au deuil, pas les cacher ou les refouler. En ce sens, il faut que les jeunes apprennent que les adultes ne sont pas des rocs, mais leur expérience de vie peut faire contrepoids à la souffrance, ce qui peut les aider. Il faut aussi que les jeunes comprennent que d'autres gens entourant la personne défunte sont aussi souffrants de la perte de celle-ci. Cette proximité émotionnelle entre les différents concernés peut s'avérer positive en ce sens où on peut partager cette peine et se soutenir à travers elles. Il y a pleine de façon d'utiliser cette histoire, c'est un élégant bac à outil.


J'ai trouvé cette histoire touchante, mais aussi constructive. le deuil est présenté comme un processus, qui a ses hauts et ses bas, ses avancés et ses reculs, mais aussi ses facteurs de résilience, qui ont un rôle majeur dans ce processus. Aussi, perdre quelqu'un amène une certaine "maturité", soit avec des prises de conscience, un regard différent sur ce qui nous entoure et/ou un apprentissage sur ses propres forces et limites, autant pour les plus jeunes que les plus vieux.


L'aspect qui m'aura étonné aura été cette "meute" de filles qui s'en sont prit à Camille, avec des comportements harcelants et des questions très indélicates. "Elles ont peur", nous explique Azadeh. Je n'aurais jamais imaginé que ce genre de harcèlement pouvait exister, car je ne concevais pas qu'on puisse ostraciser une personne pour une telle raison. Mais Camille saura faire face. Un froid et solide silence peut être une réponse étonnamment efficace.


Les illustrations sont bien assorties, j'ai beaucoup aimé celle qui marque les derniers moments entre Camille et Juliette. Il y a un côté "stellaire" apaisant, une douceur de circonstance.


Petit constat personnel , qui n'a rien à voir avec le livre, mais qui est dans le sujet: je constate que nous avons encore ici le sujet du deuil lié au décès d'un proche vécu par une fille ( ou une ado), comme tous les romans sur le sujet que j'ai pu lire. À quand un roman du même acabit pour nos garçons?


Sinon, c'est bel ouvrage, qui navigue bien sur les émotions et les étapes du deuil, qui ouvre sur l'espoir et la résilience, et permet d'aborder un sujet souvent tabou pourtant incontournable. Je réitère que le sujet du deuil et de la résilience ne concernent pas que les gens qui y font ou y ont fait face déjà. Cela concerne aussi les autres, surtout si à travers les romans et les albums jeunesse ils peuvent développer leur empathie face aux gens qui le vive ou l'ont vécu. Enfin, il me semble que ce peut être pertinent d'en parler avant qu'arrivent de pareils situations. La littérature jeunesse est une formidable source d'outils et de pistes de réflexion, en ce sens, et une porte ouverte pour amorcer un dialogue sur le sujet.


Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.


Sur le thème du deuil lié au décès de quelqu'un, il y a les romans suivantes aussi qui peuvent être pertinents:



  • Au chaud dans mon coeur, E.Bourget, Ed. Québec Amérique, Coll. Petit Poucet

  • Vingt-cinq moins un, G. Piché, G.Piché, Ed. Québec Amérique, Coll. Gulliver

  • La dernière fausse note, C.Erlih, Éd. Nathan

Shaynning

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