Souvenirs d'enfance est sans doute l'oeuvre la plus fameuse de Marcel Pagnol, auteur connu pour la sincérité de son écriture, capable à elle seule de transporter le lecteur dans un univers majestueux aux accents méridionaux. Quatrième tome de la quadrilogie de ses mémoires, Le Temps des Amours est en même temps une forme de suite des trois premiers recueils tout en demeurant singulièrement différent de ces derniers.
Tout d'abord, il est bon de rappeler que Le Temps des Amours n'est pas une oeuvre achevée. Rédigée par l'écrivain dans les dernières années de sa vie, puis publiée à titre posthume, il ne s'agit à l'origine que d'un ensemble fragmentaire de parchemins éparpillés, rassemblés à la hâte par les héritiers en vue de s'assurer quelques subsides supplémentaires. Nul ne peut affirmer avec sincérité et assurance que Marcel Pagnol souhaitait publier son dernier tome tel qu'il a été proposé à l'édition en 1977. Ceci explique la forme quasi burlesque de ce livre, dont les chapitres semblent entreposés les uns à la suite des autres sans aucune forme de logique quelconque. Cependant, même si l'on ne peut reprocher à l'excellent Marcel Pagnol la parution d'une telle énigme, on ne peut que s'interroger sur l'intérêt de publier une oeuvre à ce point dénuée de contour cohérent.
De plus, nonobstant la forme plus qu'aléatoire du Temps des Amours, il est également possible de reprocher à ce livre la qualité de son histoire. En effet, alors que dans la plupart de ses œuvres, qu'elles soient littéraires, théâtrales ou cinématographiques, l'auteur méditerranéen sait donner vie à son récit avec un brio terriblement efficace, l'écriture de ce tome-ci apparaît par instant davantage hésitant. Tel un funambule en mouvement, l'écrivain semble ne plus savoir sur quel pied danser, alternant le remarquable et le quasi indigeste. Par exemple, bien qu'inachevée, la nouvelle Les Pestiférés se lit d'une traite tandis que, à l'inverse, d'autres chapitres, notamment ceux centrés sur ses professeurs, manquent d'une forme de consistance.
Ainsi, alors que Le Temps des Amours aurait du figurer comme le clou du spectacle concluant avec panache les trois premiers tomes des Souvenirs d'enfance, il ne reste de lui qu'un écrit lacunaire laissant le spectateur sur sa faim avec un arrière-goût de déception au fond de la bouche. Manquant de magie et de poésie littéraire au sein de plusieurs chapitres, on ne pourra que regretter le choix des légataires d'avoir voulu faire paraître une oeuvre inachevée et oubliable, indigne du monstre incomparable qu'était Marcel Pagnol.
Partant, plutôt que de s'appesantir sur cet écrit au génie fugace, mieux vaut découvrir l'intégralité des autres œuvres pagnolesques, toutes aussi brillantes par leur fond que par leur forme.