Ornée d'une photo dévoilant les excès auquel il s'est adonné toute sa vie, cette autobiographie est originale du fait qu'elle est écrite à la troisième personne du singulier. Singulier, c'est peu dire de Big Jim, le Vieux Saltimbanque, comme il se prénomme lui-même. Son trouble bipolaire, son amour pour l'alcool, les plaisirs de la chaire et la poésie, ses rêves et ses cauchemars ; tout cela fait de lui un être complexe et torturé mais pourtant lucide à propos de lui-même. Cette lucidité se retrouve d'ailleurs, d'après moi, dans cette volonté d'écrire ses mémoires d'un point de vue omniscient.
Dans cette biographie, parue seulement quelques mois avant sa mort, il nous livre des secrets d'enfance, des moments d'allégresse (souvent liés aux phases maniaques de sa maladie) et de doute profond à propos de lui-même, de sa place d'homme-poète-écrivain dans le monde et dans le coeur des gens qu'il aime ; comme si, conscient de sa fin imminente, il éprouvait le désir de se délivrer.
Grâce à une écriture passionnée et incisive, parfois drôle, enivrante comme l'alcool qu'il affectionne, il arrive à rassembler les pièces égarées de sa propre personne et à nous mener à cet état d'affection que l'on éprouve pour les héros romantiques.
Je reprends d'ailleurs ici un passage du préface de Légendes d'automne, écrit par Serge Lentz : "Ce n'est pas que notre époque soit désormais inapte à fournir des héros ; c'est nous qui sommes devenus incapables de les reconnaître."
Jim Harrison est bel et bien un héros, et j'ai su le reconnaître.