Critique de Shaynning
BD adulte de 2020, "Chinese Queer" est ce genre de Bd qui comporte une forte dimension philosophique existentielle, un côté de critique sociale et un graphisme assez particulier.Faire un résumé de...
Par
le 22 mai 2022
5 j'aime
Incontournable Roman Juillet 2025
Comme le spécifie pour chaque livre de la collection, "Le yaourt au ketchup" fait parti de la fratrie "petite poche" aux éditions Thierry Magnier. Cette collection est composée de "micro-roman" plus petits encore que les romans en format poche, qui peuvent réellement se glisser dans une poche de pantalon, et proposent de très courtes histoires d'environ 45 pages contenant chacune quelques phrases tout au plus. J'affectionne cette collection pour plusieurs raisons:
1- Idéal pour les classes d'accueil, qui ont besoin de courtes histoires sans illustrations pour leur allophones en francisation, avec un vocabulaire accessible.
2- Intéressant pour les lecteurs avec défis, soit ceux et celles qui détestent lire ou ceux et celles pour qui c'est un défi de traitement ( Troubles DYS). La police n'est ps gigantesque, mais elle n'est pas petite et serrée.
3- Une bonne idée pour les périodes de lecture courtes, les biblio-classes qui ont besoin de plusieurs livres à petit budget ( 6.95$ canadiens chaque).
4- Contiennent de plusieurs genres littéraires entre 6 et 12 ans ( lectorat intermédiaire) généralement universelles sur leurs thèmes, parfait pour adapter les jeunes comme les plus vieux.
Précision pour mes compatriotes canadiens et québécois: Le "yaourt" c'est le terme européen pour parler du yogourt.
Dans ce petit roman, Lila nous livre avec dépit et agacement l'arrivé de Jade, la jeune fille qui a eu le culot de mettre du ketchup dans son yogourt et qui, sans l'avoir forcément désiré, est devenue la nouvelle coqueluche de l'école. Nourrissant une jalousie qui lui fait perdre son bon sens, Lila se fait critique de tout ce que fait Jade, même ses bons coups. Surtout, elle note avec mesquinerie que Lila est "lente". La jeune demoiselle met du temps à écrire. Elle serait "dyslexique", une "autre façon de se rendre intéressante. Pourtant, Lila devra faire face à sa "rivale" car elle fait équipe avec Lila pour leur kermess, dans l'équipe des décors qu'elles tiennent à elles-deux.
Donc, la jalousie. Autant je déteste cette émotion parce qu'elle a servi de justification aux mauvais amoureux de la fiction d'êtres égoïstes, violents et accaparants, prétendument par "amour", autant C'EST une émotion. Elle a donc une fonction, c'est une messagère, comme le sont toutes les émotions. Ce n'est pas la jalousie le problème, c'est ce qu'on fait avec. Malheureusement pour la jalousie, elle n'inspire pas les actions les plus nobles. En fait, elle sert à marquer une menace à la sécurité sociale ou affective, grosso modo. C'est une émotion complexe, qui peut conduire à des comportements contrôlant, mesquins ou agressifs, mais pas systématiquement. Un enfant qui devient grand-frère/soeur peut se sentir menacé dans son amour avec ses parents et devenir anxieux , par exemple. Lila manifeste quelques signes de jalousie: ses commentaires mesquins envers Jade dans la narration, son incapacité à lui voir du positif, sa façon de lui prêter des intentions peu nobles, comme d'attirer l'attention ou encore, de lui dire de façon agressive que "C'est pas parce que c'est pas ton idée que je vais tout faire toute seule, j'te préviens!". Alala, Lila a vraiment du mal à encadrer Jade et pourtant!
Je pense que dans le cas des enfants, la jalousie est surtout affaire d'attention, justement. Jade ne l'a pas forcément voulu, mais son étonnant mélange ( dégueux en passant) lui a valut l'attention favorable des autres enfants, les amis de Lila inclus. Souvent, je pense que les enfants ont simplement peur de perdre leurs ami.e.s et ne savent pas gérer leur crainte ( réelle ou pas) de les perdre. À leur décharge, même les adultes ne se gèrent pas bien, surtout quand ça concerne les relations conjugales, alors ce n'est pas aussi simple qu'on le pense de passer outre un sentiment qui vient de l'insécurité. Lila est insécure, craint de perdre des relations auxquelles elle tient. Est-ce que cela excuse son comportement? Pas du tout et d'ailleurs, elle va en faire les frais quand Lila éclate en sanglots. Là c'est la culpabilité qui embraque et c'est aussi inconfortable à ressentir que la jalousie. Tant mieux, cela dénote de l'empathie, c'est bon signe. Lila va devoir trouver une façon de faire amende honorable et trouver un terrain d'entente, parce qu'elles ont un travail à faire ensemble.
Lila découvre ce qu'implique le ketchup pour Lila, qui a du mal à écrire le mot. En le voyant sur la bouteille ou le sachet tous les jours, elle pense parvenir à l'écrire comme il faut. Elle s'est obligée de manger du ketchup, même sur les moins intuitives combinaisons, comme un défi qu'elle se lance depuis son diagnostic. Pas le défi le plus porteur, mais bon, si c'est là une façon de se motiver....Reste qu'en étant devenue la confidente de Jade, Lila change de perception et manque même de mots pour exprimer son sentiment. Je pense qu'elle a fait une prise de conscience, tout simplement. Elle qui pensait avoir affaire à une m'as-tu-vue, la voilà bien honteuse de découvrir qu'elle se trompais pas qu'un peu!
J'aime la tournure qu'a fait prendre l'autrice à ces deux personnages. Elles ne sont pas devenues amies. Elles se sourient et se montre cordiales, mais sans intérêts communs ou affinité réelle, elle se sentent libres de ne pas forcer leur relation. Et c'est très bien ainsi. Ça peut sembler froid de ma part, mais dans une fiction jeunesse parfois très moralisatrice, j'estime qu'il est bon de rappeler que les relations ne se tiennent pas juste entre "ennemis et amis", sans nuances ( comme aiment le penser bon nombre d'autrices, apparemment). Non, les relations humaines sont complexes et donc par définition, nuancées. On a des divergences de valeurs, des personnalités incompatibles ou des goûts différents qui peuvent ne pas conduire à des amitiés, il n'y a rien de mal là-dedans. Toutes les histoires ne peuvent pas finir avec un "ils devinrent amies et vécurent heureuses" à chaque fois.
De plus, nous voyons assez clairement avec quelle injustice Lila pioche sur la réputation de Jade, par pur ressentiment et insécurité, Jade n'ayant rien fait pour mériter cela. Il est vrai que parfois, les enfants s'extasient pour des broutilles à nos yeux d'adultes, mais encore une fois, les adultes ne sont pas mieux. La réalité est que les humains sont faciles à impressionner, la plupart du temps. Lila n'a simplement pas été impressionnée par ce mélange douteux de ketchup et yogourt, et questionna le comportements des autres à cet égard. Cela dit, c'est d'avoir jeter le blâme sur Jade qui est un non-sens. Le tout aurait été moins dramatique pour elle si elle en avait tout simplement parler avec ses amis, verbaliser son insécurité, mais ce n'est pas une chose si intuitive pour un enfant. C'est dur d'admettre à voix haute qu'on est jaloux et c'est encore plus dur de comprendre l'association entre crainte affective et jalousie. C'est donc à nous, les adultes, de veiller à explorer ce sentiment avec eux, comme il convient de le faire avec les autres émotions.
Enfin, j'aime la présence de cette jeune fille dyslexique, qui n'est pas que son diagnostic. Jade est un personnage pétillant, créatif et sociable, c'est l'ensemble du personnage qui plait aux autres, même si Lila ne voulait pas le reconnaitre. Et plutôt que de s’apitoyer sur elle-même, Jade est un personnage qui travaille avec enthousiasme malgré ses défis. Je vois beaucoup de personnages dyslexiques dépeint comme "n'aimant pas L'école", c'est bon de voir le contraire ici. J'ai plusieurs amateurs de lecture en librairie qui sont dyslexiques, le dégout de l'école n'est pas systématiques.
J'ai toujours un faible pour les histoires qui explorent les émotions à hauteur d'enfant, ça sollicite autant l'imaginaire que le réel et permet de mettre des situations concrètes sur des constructions abstraites. Et c'est ben abstrait une émotion, car on ne les vit pas toutes de la même façon, elles sont invisibles et bonus, elles peuvent s'influencer ou se mélanger. Cette histoire a aussi un axe intéressant de changement de perceptive, en ce sens où Lila revoit son jugement initial, qui est erroné et teinté de sa jalousie envahissante. Heureusement, elle trouve une façon, de concert avec Jade, de mettre leurs compétences respectives à profil pour la bonne exécution de leur projet commun. Et ça, ça fait plaisir à lire.
Pour un lectorat à partir du 2e cycle primaire, 8-9 ans+
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes La Bibliothèque de Sparkus: Si je devais avoir une bibliothèque privée on y trouverait..., Meilleurs romans Jeunesse, Littérature Jeunesse: Petits romans, Couvertures: La Jeunesse se met au Rose et Littérature Intermédiaire: littérature jeunesse mal connue
Créée
le 14 juil. 2025
Critique lue 8 fois
BD adulte de 2020, "Chinese Queer" est ce genre de Bd qui comporte une forte dimension philosophique existentielle, un côté de critique sociale et un graphisme assez particulier.Faire un résumé de...
Par
le 22 mai 2022
5 j'aime
Second opus de la série qui a gagné le Prix des Libraires du Québec dans la catégorie BD étrangère, "L'ombre de l'oiseau" est plus sombre et profond, mais prend place dans un monde plus élaboré,...
Par
le 23 oct. 2022
4 j'aime
Cette Bd, qui a un format de roman, donne le ton dès sa couverture: deux gars qui sont appelés à se rapprocher malgré des looks plutôt différents. Même les couleurs illustrent d'emblée la douceur de...
Par
le 25 févr. 2023
4 j'aime