Entrer dans les Corrections de Jonathan Frentzen,c’est suivre cinq membres d’une famille nucléaire américaine ( les parents et leurs trois enfants). C’est de comprendre comment chacun d’eux s’est formé à la fois dans le nid familial et en dehors.Ces points de vue mettant en lumière les angoisses, les imperfections ou les entêtements d’Alfred, d’Enid, de Gary, de Chip et de Denise.Cela rappelle au passage que la vie n’est pas un long fleuve tranquille et qu’elle procure des ratés, des brouillons et quelques réussites. Le talent de Jonathan Frentzen, c’est de proposer une écriture multiple avec des passages ultra dialogués ou ultra décrits, osant intégrer du jargon technique ( pour parler de la finance, de la psychologie ou du transport ferroviaire entre autres) et finalement de développer par ce qu’il entend par « corrections ». La correction pourrait être celle de Chip réinventant son parcours en Lituanie car viré de son boulot de prof de fac suite à une relation avec une étudiante; c’est aussi la difficulté pour Denise de choisir son orientation sexuelle, cherchant sans cesse à définir ses désirs pour un homme ou une femme; c’est le comportement paradoxal de Gary à régimenter la vie de ses parents alors qu’il n’arrive pas à trouver un équilibre satisfaisant avec sa femme Caroline et ses trois enfants ( beaucoup de corrections et des ratures renouvelées); ce serait le sacrifice personnel d’Enid de femme au foyer ayant mis de côté ses aspirations pour que le bateau famille ne tangue pas trop; ou encore les difficultés d’Alfred à exister pour sa famille à cause d’un boulot dans les chemins de fer ayant monopoliser son temps et son énergie et le poussant à l’égoisme.Autant de focales poussées à l’extrême car le lecteur voit les personnages vieillir, réitérer certaines erreurs et se rendre compte que malgré des tentatives de vouloir changer, ils ont du mal à se coltiner avec ces corrections.Le lecteur, lisant l’itinéraire de la famille Lambert, reconnaîtra forcément des travers de sa propre famille, des moments qu’il préférerait oublier ou passer sous silence mais aussi les glorieuses heures où les membres d’une famille pensaient être à l’abri des difficultés ou des tourments.Voici une lecture que vous mènerez à terme si vous accepterez les digressions, les ellipses tout comme les exigences stylistiques de Jonathan Frentzen. Décrire une famille dans tous ses états, n’est pas non plus un exercice aisé et le lecteur doit donc soupeser ce qu’il lit tout en s’attachant à ce qui résonne en lui. Vouloir tout saisir de les Corrections serait plutôt vain mais en dégager les lignes directrices plutôt bien.Jonathan Frentzen, en choisissant le thème universel de la famille, a commis un pavé d’une grande qualité littéraire, valant aussi par la justesse des détours existentiels de la famille Lambert auxquels les lecteurs peuvent s’identifier et réfléchir sur ce qui peut faire la valeur de vies.Lecteur patient, curieux et ne craignant pas les détours, ce livre est fait pour toi.

Specliseur
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le 1 sept. 2019

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