La quatrième de couverture laissait augurer une histoire à l'eau de rose plutôt légère, et il y a un peu de ça dans ce roman assez bien fagoté, mais pas seulement. Et c'est tant mieux. Un premier drame ouvre la narration, traité sans trop de pathos, avant que la jeune héroïne ne se retrouve plongée dans le monde du travail, dont on sait tous quelles épreuves il peut receler. Mais aussi quels trésors de solidarité et d'amitié. Jusque là, rien de neuf. La petite subit des brimades, parce qu'elle est boiteuse ou immigrée, mais si les raisons varient, la cruauté gratuite de la meute ne change pour sa part pas d'un iota. Elle trouve heureusement refuge chez d'autres parias, qui mènent grand train dans une maison isolée. L'histoire peut vraiment commencer. Elle apportera son lot de rebondissements et de révélations, plutôt joliment troussées, sans le grand souffle romanesque qui aurait pu la porter éventuellement à la hauteur d'autres sagas tout aussi enlevées et documentées. Je pense aux Oiseaux se cachent pour mourir, qui fonctionnait un peu sur le même genre de ressorts. Ce qui fait la différence entre ces deux romans est un peu difficile à nommer et je ne vais pas m'y attarder plus que ça, parce que, à la fin, j'ai vraiment mordu à l'hameçon et ai tourné les pages de plus en plus vite, jusqu'au dénouement qu'annonçaient les premières pages. Comme si la fin comptait moins que le chemin parcouru... J'imagine que c'est l'un des messages distillés par ce récit coloré et parfois fantasque, qui court des tas de lièvres à la fois à dessein mais ne démérite pas pour autant. Il reste léger et positif, et ça change franchement des documentaires démoralisants que j'ingurgite en ce moment sur la condition des Noirs ou des Indiens aux États-Unis. Ici, l'Amérique est encore considérée comme la terre de tous les possibles, tandis que Paris s'étourdit de mondanités et étouffe sous ses rancunes tenaces. Mais la cambrousse sait encore apporter une certaine authenticité, en dépit de sa mentalité provinciale pas toujours reluisante. On le voit, les clichés ont la vie plutôt belle dans cette histoire, mais son absence de prétention évite qu'on se sente piqué au vif. Il faut se laisser emporter par les remous d'un récit qui effleure parfois la Grande Histoire et c'est avec bonheur qu'on croise Chaplin ou Dior, en poussant quelques ho ho ho étonnés devant tant de culot narratif.

Créée

le 3 févr. 2022

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