Depuis l’Armistice de 1914, le monde n’a plus jamais connu de guerre mondiale. Certes, des tensions se manifestent encore entre certains pays et il arrive même qu’elles dégénèrent en conflit. Mais tout ceci reste de faible ampleur grâce l’action de la Société des Nations, grandement facilitée par la radiosphère, cette couche de la haute atmosphère amplifiant les ondes. Bref, depuis la Grande Guerre, sans pour autant être complètement éteints, l’agressivité humaine et le bellicisme semblent remisés au rang de passions de basse intensité.
On pourrait croire que dans ce monde apaisé, l’humanité ait toutes les raisons de louer sa nature désormais raisonnable. Pourtant, cet âge de paix apparaît comme une façade aux yeux des membres de la très secrète Correspondence Society. Une apparence derrière laquelle œuvre une intelligence extra-terrestre qu’ils appellent l’Hypercolonie.
Cette découverte leur a déjà coûté très cher. Depuis le massacre de 2007, les survivants se savent surveillés et traqués par les simulacres humains. Partagés entre la volonté de rendre coup pour coup et l’angoisse, ils font profil bas, une valise prête à portée de main pour disparaître à la moindre alerte. Pour Cassie et son frère Thomas, elle survient lorsqu’un simulacre est écrasé devant chez eux.

Lire un roman de Robert Charles Wilson, c’est un peu comme enfiler ses pantoufles. Une sensation de confort et de familiarité vous saisit dès les premières pages. Au-delà de la métaphore domestique, il faut reconnaître à l’auteur une certaine constance et un professionnalisme exemplaire. Celle de lier les spéculations vertigineuses de la science fiction à des préoccupations plus psychologiques dans un cadre néo-classique. Malheureusement, si le fond reste assez intéressant, on ne peut se départir d’une impression fâcheuse de déjà vu, renforcée de surcroît par une forme assez linéaire.

Les Derniers jours du paradis opte en effet pour le registre du road novel. L’intrigue est construite comme une course-poursuite efficace, mais un tantinet mollassonne, l’atmosphère lorgnant du côté du thriller saupoudré d’une pincée de paranoïa. Hélas, je dois confesser ne pas avoir beaucoup frissonné ou haleté durant ces 340 pages. On sent trop les ficelles du récit et les péripéties n’enrayent pas la routine d’une trame convenue. Bref, le récit ronronne, transparent, sans jamais vraiment surprendre, en dépit d’une avalanche de rebondissements (mal maîtrisés, je trouve) dans la dernière partie du roman.

Pour le fond, on se situe à un niveau de sense of wonder très modéré, même si l’argument de départ ménage des perspectives cosmiques. En fait, Robert Charles Wilson recycle un des plus vieux lieux communs de la science fiction : l’esprit de ruche extra-terrestre. Et si la quatrième de couverture invoque les mânes de John Wyndham, notamment son roman Le Village des Damnés, je n’ai pas pu m’empêcher de penser également aux Body Snatchers de Jack Finney. La faute à une association d’idée provoquée par la nature des simulacres.
Tout ceci ne serait pas bien grave si Robert Charles Wilson ne tuait pas toute réflexion ou vertige spéculatif sur les notions de symbiose et de parasitisme en se contentant de ressasser une énième fois la lutte entre l’humanité, du moins une fraction informée de celle-ci, et des envahisseurs extra-terrestres. En somme, une variation supplémentaire du combat pour le libre arbitre, le libre choix de son histoire et tout le toutim. Quant à l’uchronie, elle n’est qu’un décor, vite brossé, pointant aux abonnés absents tant elle brille par son insignifiance.

Tant pis ! Les Derniers jours du paradis restera donc un roman mineur dans la bibliographie de Robert Charles Wilson. Le scénario idéal pour une série télé fauchée ou à la limite un blockbuster, avec moult explosions et fusillades. Le parfait programme pour s’empiffrer de pop-corn.
leleul
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le 26 sept. 2014

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