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Pensionnaire à l' Ecole de W., le jeune Törless découvre la vie loin des siens, et la vie en société close. Tel une feuille vierge, il s'empreint de l'encre noire de son quotidien, et de l'apprentissage de cette nature humaine décidément bien complexe et retorse.Parce qu'il a volé l'un de ses camarades, l'élève Basini se retrouve à la merci de trois garçons; Törless, Beineberg et Reiting. Törless, d'abord témoin, puis suiveur avant de devenir pleinement acteur des sévices, est frappé par le mystère que lui posent les humiliations répétées que subit leur victime.C'est cette relation maître à esclave, d'humanité à plusieurs degrés, que ces jeunes hommes expérimentent avec le chantage qu'ils font endurer à Basini, comme si sa dignité d'homme était devenu un vaste champ de découvertes et d'études scientifiques (Beineberg tente sérieusement d'hypnotiser Basini pour le soumettre entièrement à sa volonté).
Ecrit en 1906, Musil parlait à propos de son oeuvre et de ses sujets de "dictateur in nucleo".Le sadisme latent et sourd des jeux d'enfant évoque la lente et sûre montée du nazisme, et la conviction qu'il existe un domaine où l'on peut finalement tuer un homme sans que cela ne soit un crime.Car il n'y a finalement point de salut pour ces garçons. Beineberg et Reiting affichent le froid déterminisme intellectuel et élitiste de ceux qui se fient d'avantage à leur raisonnement et à sa logique qu'au réel.Törless est une figure plus complexe. Il est d'abord fasciné par la lente déshumanisation de Basini; celui ci perd d'abord tous son caractère de virilité, pour être finalement complètement dégradé, dans un "entre-monde", où, figure presque "sacré", il devient celui qui ayant franchi toutes les frontières, n'appartient plus au code social. Mais ce n'est pas par humanité ou par morale que Törless rejettera finalement ces pratiques, mais uniquement parce qu'elles ne lui apportaient pas la connaissance et l'accès au psyché humain qu'il attendait.Si Törless, nous confie la narration, deviendra un jeune homme raffiné et cultivé, il n'en n'est pas moins le rappel et la mise en garde, de cette pulsion sadique qui sommeille en chacun de nous.
Emma Bretona
madamedub
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le 22 juil. 2011

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