Suite à la plaisante lecture de l'article catéchisme chinois du Dictionnaire philosophique de notre cher Voltaire, il me prit de m'enquérir hâtivement de l'essence de la philosophie chinoise. Quel vif désappointement !


Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt. Ce proverbe chinois me fait penser à cet ouvrage. Trouve-t-on, en effet, beaucoup d'orgueil chez Confucius, et si le sage montre la lune, n'est-ce pas avant toute chose pour se faire remarquer des autres avant de ce qu'il souhaite les entretenir. L'homme de peu regarde le doigt, l'homme honorable regarde la lune mais l'homme intelligent, lui, dédaigne le sage. Et à bien des égards, les disciples de Confucius, sinon lui-même, sont des sots, passant pour sages que par force de congratulations réciproques, s'écoutant sans s'entendre.


Pour preuve de sa haute opinion de lui-même qui émane de la plupart des dialogues enregistrés :



XIII.10. Le Maître dit : « Si un prince m’employait, au bout d’un an, les choses prendraient tournure ; au bout de trois ans, elles seraient parfaites. »



Et de la naïveté de ses disciples :



Si notre Maître avait eu un État à gouverner, il aurait, comme on dit, relevé [le peuple], et [le peuple] se serait levé. Il l’aurait mené sur la Voie, et celui-ci aurait marché ; il lui aurait procuré la paix, et celui-ci l’aurait rejoint ; il l’aurait mis à l’œuvre, et celui-ci lui aurait répondu ; il aurait été honoré pendant sa vie, et pleuré après sa mort. Qui peut l’égaler ?



Dans bon nombre de discussions, Confucius parle de la Voie à travers la vertu d'humanité, de la piété filiale, de l'homme honorable ; pour autant, ces concepts restent assez flous. Tantôt c’est élever autrui comme on souhaiterait l’être soi-même, tantôt c'est se maitriser soi-même, tantôt c'est cultiver et pratiquer la déférence, la grandeur d’âme, la sincérité, la diligence et la générosité.


Il se veut penseur, il n'est que prêcheur. Aussi n'y a-t-il que des aspects pratiques dans ses discours, ne montre-t-il jamais le sens de développer la Voie, en est-il seulement capable, ainsi qu'il l'avoue chapitre XII, discours 3 lorsqu'il explique les complications de parler de la vertu d'humanité puisque difficile à mettre en pratique. Il est vraisemblable que, selon la citation de Boileau, ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et qu'en ce sens, Confucius n'ait jamais été autre que le prévaricateur des livres qu'il se plait à citer (livre des odes, des mutations), sinon qu'un vulgaire imposteur des honneurs qu'on lui fit.


Quel brillant homme, sachant répondre aux dilemmes de la meilleure façon possible, c'est-à-dire en fermant la bouche et les yeux, comme le rapporte le discours 30 du chapitre VII. Il y a là contradiction qui devrait mener tout homme intelligent à reconsidérer le bienfondé de la Voie, car s'il est vertu d'observer les convenances, qu'une de ces convenances est de toujours vouer fidélité à son prince et que ce prince n'observe pas les convenances, il est un manquement grave à la vertu de laisser l'homme dans le vice.


Mais soyons tous réjouis d'apprendre chapitre VI, discours 21 la différence entre un homme intelligent et un homme honorable. Ainsi, la Voie de Confucius ne mène-t-elle pas au bonheur mais à la longévité, ô combien nécessaire à l'humanité pour bien se conduire.


Non, vraiment, il n'y a rien à tirer des entretiens du père Confucius. La tradition, la famille, le royaume, la tolérance et toutes les autres platitudes débitées pour faire de l'esprit ont été bien assez cultivées en Europe pour ne pas à avoir importer ces concepts de déraison de l'Asie. Oh ! mais il y a néanmoins de belles phrases dans ce récit comme : " La Vertu du prince est comme le vent ; celle du peuple est comme l’herbe. Au souffle du vent, l’herbe se courbe toujours. " et je n'en disconviens nullement mais était-ce là vraiment l'attente du lecteur que de s'extasier devant cette creuse esthétique ?


Puisqu'il est question de forme, nous concluerons que les discours sont un véritable fouillis, passe-t-on d'une pensée à une autre, d'un chapitre à un autre sans le moindre effort de transition. Il est impossible de suivre raisonnablement les contextes des dialogues tant les noms chinois envahissent le champ visuel et qu'untel peut s'appeler différemment d'une phrase à l'autre. Mais pour autant, le style est clair et lisible, les analogies sont expliquées et les annotations éclaircissent certains syntagmes ambigus.

kaireiss
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le 14 nov. 2021

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