Même si l'on connait mal les romans "adultes" de John Boyne, plus célèbre pour ses livres pour la jeunesse, il semble évident que Les Fureurs invisibles du cœur est à ce jour son oeuvre la plus ambitieuse. La vie du dénommé Cyril de 0 à 70 ans, du ventre de sa mère aux derniers mois de son existence, racontée en 10 chapitres, chacun d'entre eux séparé de 7 ans du précédent. L'ouverture du livre est phénoménale, très visuelle, avec cette jeune fille-mère condamnée à l'exil de son petit village irlandais par la diatribe haineuse d'un prêtre du haut de sa chaire. La suite est comme un feuilleton à épisodes où Cyril, né de mère inconnue et adopté par un couple singulier, va tenter de trouver un semblant d'équilibre à défaut de pouvoir retrouver sa génitrice. Le romancier est très rusé car le lecteur sait, lui, qui est cette femme que le héros du livre va côtoyer à plusieurs reprises à Dublin en ignorant son identité. Au passage, c'est sans doute le seul défaut que l'on peut reprocher à Les Fureurs invisibles du cœur, son excès de hasards et de coïncidences. Mais on l'accepte facilement tellement Boyne se révèle conteur inspiré, nous faisant remonter le temps de l'Irlande corsetée des années 50 à 80, jusqu'à New York des années sida en passant par la vie de bohème d'Amsterdam. Dans le récit, se succèdent drames absolus et moments de bonheur provisoires, toujours contrecarrés par le secret de Cyril. Car c'est un homo, comme ils disent, qui devra faire face, la plus grande partie de sa vie, au regard torve et intolérant des autres et l'amènera à trahir ses véritables amis. Un fond de grand mélodrame souvent balayé de magnifiques scènes de comédie, voire de burlesque, à la manière d'un écrivain auquel Boyne se réfère, John Irving. L'auteur irlandais est particulièrement doué pour les dialogues et plusieurs d'entre eux sont d'une incroyable verve hilarante. Les Fureurs invisibles du cœur est le genre de livre qu'on brûle d'offrir à nos proches, à ceux qu'on sait épris de grandes et belles histoires où les sentiments exacerbés tiennent la première place, pour le meilleur et pour le pire.

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le 25 nov. 2018

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