Une collaboration indéniablement fructueuse avec Ray Nelson pour un livre finalement éminemment dickien dans ses thèmes et son déroulement, hormis sans doute la récupération politique de l’un des protagonistes, Percy X, allusion appuyée au Malcolm X du monde réel. Une forme d’hommage maladroit à la propagande suprémaciste noire aux Etats-Unis de cette époque même s’il est difficile de l’attribuer à Nelson ou Dick lui-même, souvent réactionnaire dans son empressement à défendre les minorités et lutter contre les « complots »…
Jugez un peu : les Ganymédiens ont envahi la Terre et seule la Province du Tennessee tenue par les partisans noirs, les « Nigs », résiste encore et toujours à l’envahisseur tandis que les Blancs sont soit des traîtres, soit des « pervertis » (des collabos !). Percy X est bien entendu à leur tête, charismatique télépathe qui plus est.
En dehors de toute considération raciale, le livre met en lumière les enjeux politiques aussi bien humains que ganymédiens avec grand talent, c’est là une des spécialités de Philip K. Dick dans le domaine, que ce soit dans En attendant l’année dernière, la Brèche dans l’espace ou les Joueurs de Titan par exemple.
Tout le bouquin repose sur l’imminence d’une issue au conflit, une issue qui semble bien sinistre de prime abord avec l’utilisation éventuelle de ces armes à illusions dénichées par les « Nigs », des armes qui nuisent autant à leur utilisateur qu’à l’ennemi lui-même ! sans parler bien entendu de l’arme infernale, celle dont on ignore tout si ce n’est qu’elle pourrait annihiler des pans entiers de la réalité…
Le livre est bien plus élaboré qu’il n’y paraît, rappelant En attendant l’année dernière par bien des aspects avec ce Docteur Balkani du Centre de Recherches Psychédéliques (sic !) l’inventeur de ces « machines à illusions » mais travaillant également à un antidote, un traitement contre leurs effets dévastateurs.
Mais contrairement au Docteur Sweetscent d’En attendant l’année dernière, le sort du monde ne repose pas sur les seules épaules du Docteur Balkani mais sur au moins trois autres personnages (en dehors de Percy X) dont les intrications dans la trame s’avèrent décisives.
Agréable à suivre, un peu fou par moments, voilà un roman bien construit qui mêle pouvoirs psys, armes délirantes et politique avec entrain et enthousiasme jusqu’à la fin, une fin relativement peu usitée chez l’auteur, d’ailleurs !