Joe R. Lansdale fait sa rentrée littéraire sur les blogs avec la traduction de l'un de ses bouquins récents (Edge of dark water - Les enfants de l'eau noire - 2012 en VO).
Mais on a décidé de remonter plus loin dans sa bibliographie pour découvrir cet auteur et Les marécages (The bottoms) datent de 2000.
Dès les premières pages on est littéralement happé par l'écriture de Joe R. Lansdale : voilà un gars qui sait raconter des histoires. Avec un vrai talent de conteur, il lui suffit de quelques lignes pour nous plonger au cœur des années 30 lorsque les États-Unis se remettent avec peine de la Grande Dépression et des traumatismes laissés par la Grande Guerre. Et au cœur d'une partie méconnue du Texas : l'East Texas qui flirte avec la Louisiane toute proche.
Si l'on en croit les résumés de plusieurs de ses bouquins (en dehors de la série Hap Collins), Joe R. Lansdale aime bien mettre en scène des enfants ou des jeunes gens. Les marécages seront donc traversés avec le regard de Harry, jeune fils d'un fermier local.
Le père fait également office de coiffeur et de constable, la petite bourgade de Pearl Creek n'ayant pas encore les moyens de se payer un vrai shérif.
Mais dans les marécages de la rivière locale, ce ne sont pas des perles qu'Harry va découvrir mais plutôt le cadavre torturé d'une noire. Puis une autre encore bientôt.
À cette époque, Martin Luther King était encore au biberon et le Klan régnait encore en maître dans ces états du Sud. Serial-killer ou pas, il valait mieux naître blanc.



[...] Vous me dites qu’il faut attraper cet assassin parce qu’une Blanche risque d’y passer. Qu’est-ce que ça signifie ?
— Simplement que les nègres, c’est pas une grosse perte.
— Et si le meurtrier était un Blanc ?
— Ça ne serait toujours pas une grosse perte, cracha M. Nation. Mais on va découvrir que le coupable est un nègre. Croyez-moi.



Les années 30, les yeux d'un enfant qui portent un regard très adulte sur la vie locale et le racisme ? Tiens, serait-ce l'écho du chant de certains hummingbirds ? Oui ces Marécages auraient bien pu abriter des Oiseaux moqueurs, l'Alabama n'est pas si loin.
Mais ce ne sont pas des oiseaux que le jeune Harry va croiser dans les marais : c'est l'Homme-Chèvre, un homme des bois barbu, hirsute avec quelque chose qui ressemble aux cornes du démon sur la tête, un Ambulant.
À cette époque qui ne connaissait pas encore les serial-killer et les profileurs, les esprits vont vite s'échauffer.
Qui se cache derrière cet Homme-Chèvre qui semble finalement animé de bonnes intentions, tel un esprit protecteur de la forêt ? Et si ce n'est pas lui, qui donc s'est mis à tuer les femmes de Pearl Creek ?
Harry assiste son constable de père empêtré dans ses contradictions de blanc et va mener l'enquête, secondé par sa dynamique grand-mère, encore un autre personnage haut en couleurs !
Il sera beaucoup question de sang dans cette histoire. Pas seulement de celui des cadavres, mais surtout de celui blanc, noir ou gris qui coule dans les veines des habitants de Pearl Creek.
Sans hésiter on peut décerner à Joe R. Lansdale une palme de conteur d'histoire : celle-ci nous est contée par un Harry vieillissant en maison de retraite, pris par la nostalgie de son enfance, astuce qui permet de temps à autre à l'auteur de prendre quelques distances avec le regard du jeune Harry.
On regrette juste que ce conte n'apporte finalement rien de bien nouveau sous le soleil du Sud : une intrigue policière gentillette où l'on entrevoit assez tôt la plupart des clés, un racisme confédéré déjà mis en scène de nombreuses fois, le sifflement des oiseaux moqueurs en arrière plan, ...
Mais cette histoire déjà lue et relue est racontée avec maestria et le plaisir de lire est bien là : il faudra que l'on revienne écouter Joe R. Lansdale un autre soir au coin du feu.

BMR
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le 18 sept. 2015

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BMR

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