Mingher, cette perle de la Méditerranée, célèbre pour ses roses et son marbre...rose, ayant donné aux latins le mot aqua, pour l'eau. Actuellement l'un des plus petits états du monde, souhaitant entrer dans l'union européenne. Vous ne connaissiez pas? C'est peut-être parce que cette île n'existe que dans l'imagination (fertile) d'Ohran Pamuk, qui confirme si besoin était qu'il est l'un des auteurs actuels les plus passionnants.
Cette île imaginaire, il va la décrire en long, en large, et en travers : ses décors naturels et urbains, sa sinistre forteresse, ses dirigeants, ses habitants, et même sa situation géopolitique. C'est que le romancier en profite pour brosser à grands traits la fin de l'empire ottoman. Prenant au premier degré l'expression "L'homme malade de l'Europe", attribuée à Nicolas Ier qui cherchait à dépecer l'empire ottoman à son profit, Orhan Pamuk place son récit sous les hospices (mauvais jeu de mot, désolé) d'une épidémie de peste qui dévaste l'île de Mingher.
Les nuits de la peste, il ne faut pas se laisser intimider par sa taille tout à fait honorable, car c'est un récit passionnant de bout en bout, même s'il peut sembler que parfois Pamuk s'égare, comme cette histoire de résolution d'une intrigue à la Sherlock Holmes qui ne convainc guère. C'est censé être un livre d'histoire autant qu'un roman, et les raccords utilisés pour la caution historique (du genre, si on sait cela, c'est parce que...) paraissent assez inutiles également, mais d'une part, ils ne sont pas nombreux, et d'autre part, ils se justifient lors de l'épilogue.
Car Les nuits de la peste, c'est un roman protéiforme, où l'auteur laisse libre cours à son amour de l'art de conter des histoires, et en définitive il n'y a qu'à se laisser porter par l'écriture. Avec ses personnages romanesques, et finalement assez éloignés des stéréotypes attendus, c'est un peu comme si l'on avait un roman feuilleton de la grande époque dans les mains!