"L'Islam appelle ça "les racines du ciel", pour les Indiens du Mexique, c'est "l'arbre de vie", qui les fait pousse les uns et les autres à tomber à genoux et à lever les yeux en se frappant la poitrine dans leur tourment. Un besoin de protection auquel [...] ils essaient de s'arranger entre eux, de répondre eux-mêmes à leur besoin de justice, de liberté, d'amour - ces racines du ciel si profondément enfoncées dans leur poitrine..." p.222
L'Afrique Equatoriale Française, et plus précisément le Tchad va être le théâtre d'évènements inattendus dans les années 50. La colonisation française suit son cours plutôt pacifiquement contrairement à l'Afrique du Nord. C'était sans compter sur Morel, un ancien résistant français qui se met en tête de sauver la nature, en commençant par les éléphants. Armé de sa serviette bourrée de pétitions, il parcourt le pays à la recherche de signataires, on le prend pour un gentil original, mais personne ne veut se mouiller assez pour apposer son paraphe. Seule une jeune entraîneuse allemande un peu perdue, et objet de fantasme de tout les hommes de la région, le prend au sérieux et s'engage à ses côtés. Très vite des incidents isolés sont imputés à Morel, un célèbre chroniqueur états-unien féru de chasse au pachyderme reçoit une balle à côté du coeur. Peu après c'est le tour de Haas, un hollandais spécialisé dans la capture d'éléphanteaux pour les cirques et les zoos, qui lui a pris une balle dans les fesses. Bizarrement les deux hommes nient toute implication du français dans leurs accidents et quand on leur parle de lui ils le défendent farouchement. La presse s'empare du personnage qui devient un véritable héros outre-atlantique et dans son pays natal. Les nationalistes africains essayent de s'allier à lui pour faire valoir leur cause, car personne ne croit qu'il veuille vraiment sauver les éléphants, une telle conviction ne convainc personne, les éléphants cacheraient d'autres idéaux plus profonds.
Ce qui me faisait peur dans ce roman c'était le côté écolo, je ne suis pas insensible à cette cause mais je n'en peux plus d'être matraquée avec des messages bien-pensants. Au début du livre j'ai été très agréablement surprise, ce côté étant très dilué dans des histoires de personnes, notamment Minna, l'allemande. La première partie du livre et un dialogue entre Saint-Denis et un jésuite, ce dernier pense que l'homme va évoluer dans une espèce plus proche du divin, ce qui est un sujet original et intéressant, qui ne sera pas du tout développé. L'expérience de Morel dans les camps de concentration est elle aussi enrichissante mais trop peu présente. Les coutumes des peuples africains auraient aussi gagné à être plus développés... Passées une centaine de pages l'histoire se politise énormément ce qui ne m'a pas du tout plu. Et pis il y a un nombre de redites considérable, certaines phrases sont répétées texto quasiment dix fois dans l'ouvrage. On a l'impression d'assister à un véritable matraquage politique sur le discours de Morel et les réponses des nationalistes, un lavage de cerveau en règle, sur les dernières cent pages je vivais un enfer. On arrive même plus à s'intéresser à la traque du sauveur d'éléphants et de ses amis tant le contenu était indigeste. Moi qui aime la subtilité et les sous-entendus, j'ai été (dé)servie. Pourtant l'écriture de Romain Gary tient du génie, il a l'art de choisir toujours l'adjectif qui convient et de faire de sublimes comparaisons, sans jamais tomber dans la surenchère. Il nous donne la juste dose de poésie pour faire briller le monde que nous connaissons. Il a une analyse juste et fine du comportement et de la pensée humaine, malheureusement, peut-être trop fier de sa verve il en fait trop, beaucoup trop . Je ne peux plus voir un éléphant en peinture. Pourtant l'idée de base qui consistait à ce que chacun projette ses propres idées dans la lutte de Morel était excellente, mais surexploitée. ça reste cependant un très bon auteur, mais le livre n'était pas fait pour moi.
Diothyme
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le 28 mai 2011

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