Dans l’âme des gens, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annoncent les vendanges prochaines.
Parfaite métaphore pour illustrer ce ressentiment grandissant qui habite les personnages du très célèbre roman « Les raisins de la Colère » (1939), de John Steinbeck. L’histoire se déroule durant la période de la Grande Dépression qui a suivi le krach boursier de 1929. Dans une logique de mécanisation des pratiques agricoles, la famille Joad se voit expulsée de ses terres ; séduite par des publicités mensongères, elle se lance alors dans un exil forcé en Californie, en quête de travail. Comme vous vous en doutez de part son sujet, ce roman est profondément militant. C’est d’ailleurs ce qui lui vaudra de virulentes critiques à sa sortie puisqu’il est, entre autres, qualifié de « pamphlet communiste » par la presse. En réalité, s’il ne fait aucun doute que le thème traité par l’auteur relève d’un parti pris politique, le propos même du texte s’applique surtout à décrire les conséquences sociales de choix économiques. En replaçant l’humain au coeur des dynamiques capitalistes, Steinbeck fait de son roman celui de la lutte, de l’espoir déçu, mais aussi de l’éveil collectif et de l’humanité face à la misère. J’ajouterai simplement que, selon moi, lire ce livre à notre époque est d’autant plus intéressant qu’il fait indirectement écho à la situation de ces familles de migrants légitimement attirées par une Europe qui les rejette ; ça prête à réfléchir.