Le Monde des livres me promettait "puissance incantatoire" et "ironie prophétique", je n'y ai trouvé qu'une parole prétentieuse et sentencieuse.

La première partie ne commençait pourtant pas si mal. L'errance du narrateur se place explicitement sous l'influence de Beckett (En attendant Godot se trouve dans la boîte à gants qui fait office de chevet depuis que le personnage habite dans une voiture), il trimbale son papyrus et regarde les couleurs du ciel, soit. Mais ses vagabondages deviennent vite ennuyeux (en plus d'être clichés : les marginaux, la vodka, le sexe crade dans les toilettes). Certes, il est facile de démonter un livre en citant une phrase hors contexte, mais tout de même, quand on lit quelque chose comme "Dans une ville, seuls les arbres s'accordent au vertige que le ciel offre au monde : ils développent dans l'espace une exubérance qui, cette nuit, absorbait mon rire." (p. 48), on comprend qu'on ne pourra pas compter sur le style pour sauver le sujet.

Mais c'est véritablement la seconde partie qui enterre le livre, avec le basculement dans un discours accusateur et péremptoire, avec ce "nous" qui fustige ce "vous" et que le pauvre lecteur qui n'avait rien demandé doit subir durant 60 pages. Il aurait déjà été suffisamment ridicule d'opposer les justes révolutionnaires aux méchants capitalistes sans la moindre nuance, mais l'utilisation de cette deuxième personne est tout simplement insupportable.

Les Renards pâles est un livre fourre-tout (Beckett, Rousseau, les Dogons, la Commune se côtoient sans que cela fasse jamais sens) où la provocation est gratuite, à l'image du passage dans lequel le sauvetage d'une famille de sans-papiers se poursuit en partouze au Père Lachaise au pied du mur des Fédérés. Heureusement ça se lit vite et s'oubliera tout aussi rapidement, espérons-le.
antonia_m
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le 18 févr. 2014

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Ariane d'Auble

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