Tête droite, tignasse épaisse et moustache blanche, y a pas à dire Cavanna a fière allure dans la petite fenêtre sur la couverture de ce livre de poche, Les Ritals. Pour moi ce livre résonnait en un retour aux origines, les souvenirs de toute une génération, celle mon grand-père, celle des milliers d’italiens qui quittèrent leur pays dans l’espoir d’une vie meilleure ou quelques années plus tard ceux qui, contraints à l’exil, fuirent le régime fasciste. Le voyage fut merveilleux.


François Cavanna est le cofondateur d’Hara-Kiri qui deviendra ensuite Charlie Hebdo en 1969 après son interdiction suite à la une sur la mort du générale de Gaulle : Bal tragique à Colombey - un mort. Grande gueule, son écriture franche et dénuée de fioritures est à l’image du bonhomme, tonitruante mais très touchante.


Les Ritals, c’est le récit de Cavanna racontant ses souvenirs d’enfance, celle de Nogent-sur-Marne, avec ses copains, tous des petites ritals, et ses parents. Cette enfance heureuse est racontée sans concessions par l’écrivain avec la violence de ses jeux au fort de Nogent, sa fugue à vélo ou bien la découverte des femmes au bordel du coin. Le récit se termine lors des 16 ans de l’auteur avec la déclaration de la seconde guerre mondiale. La suite sera racontée dans le livre Les Russkoffs. Mais ça, c’est une autre histoire…


Outre l’enfance de l’auteur, le livre est une formidable déclaration d’amour à son père, Luigi, maçon illettré, petit homme trapu qui se tue sur les chantiers et dont Cavanna fait revivre l’accent italien avec brio. Une déclaration émouvante que l'écrivain n’avait peut-être pas réussi à faire du vivant de son père.


Le lecteur assiste également à l’éclosion de l’intellectuel, celui qui s’affranchit du poids des traditions et dont le libre arbitre et le sens critique vont construire sa personnalité. Une éclosion avec la lecture comme catalyseur :



La lecture emplissait tous les interstices de ma vie. A peine éveillé, je tâtonnais de la main vers le livre comme un fumeur vers ses clopes.



Les Ritals, c’est aussi un formidable pied de nez à tous les râleurs, les faux nostalgiques et les hargneux pour qui la jeunesse d’aujourd’hui n’est qu’un ramassis de feignasse, de violent, de p’tits cons qui ne respectent rien ni personne. Une génération pourrie gâtée, des bons à rien sur qui les générations précédentes ne pourront pas compter pour trimer et payer leurs retraites. A eux tous, dont la mémoire fait faux bond, comme par hasard, je leur mettrai ce bouquin de force dans les mains pour qu’ils se rappellent un tant soit peu leur jeunesse et rangent toute cette aigreur au placard.

Vincent-Ruozzi
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le 7 févr. 2016

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Vincent Ruozzi

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