Elle était épuisée et exécutait « les mouvements mécaniques de l’existence ». Elle ne le savait pas.
Sa carapace la protégeait et le masque qu’elle portait, avait fini par devenir son « visage, plus vrai que le véritable ». Elle avait grandi « dans l’idée de cette normalité ».
Elle avait été le jouet de tant d’hommes, « le jouet d’une histoire » qu’elle n'écrivait pas.
Elle s’efforçait de ne pas y penser. Elle voulait oublier pour ne pas « plonger sous les vagues » et faire remonter « à la surface la beauté comme l'horreur. »
Elle était brisée, sans avoir ni les mots ni « la compréhension du monde qu’il fallait ». Elle avançait froide, éteinte, « pleine d'une rage sourde et honteuse ».
Et un jour, elle sent les mains de Akifumi, un masseur japonais, sur son corps : « vous avez pris mon crâne tout entier dans vos mains. Vous avez très délicatement touché mon cuir chevelu et manipulé tout doucement sa surface comme pour déplacer des idées dans ma tête ou pour faire ressurgir mes émotions et mes rêves enfouis. »
Et tout lui revient. Son corps se réveille et avec lui, sensations, souvenirs enfermés et « mots retenus.»
Elle se découvre femme, désirante, en vie.
Elle se remet en marche, dessine ses nouveaux contours, fixe ses limites.
Elle s’appelle Alice. Elle a 48 ans.
Elle se dévoile, tout en pudeur et délicatesse, dans une magnifique lettre d’amour à cet homme dont les mains lui ont permis de renaître.
Un très bel hommage au pouvoir de l’écriture et à celui de la sensualité.