Un livre intelligent, sans conteste. Une écriture qui joint la pertinence des descriptions, la subtilité des dialogues et l’art des raccourcis dans la formulation. Le tout pour décrire le vide sans fond qui habite alors ces jeunes désoeuvrés de la banlieue ex-industrielle du Nord-Est de la France. Anthony a quatorze ans en 1992. On le suivra, quatre étés, lui et ses potes, ami(e)s ou ennemis jurés jusqu’en 1998. Là, enfin, avec toute la France, ils seront Champions!
Un live plaisant? Non, pas vraiment. L’auteur, Nicolas Mathieu, nous rappelle ce que peut être l’adolescence et la vie errante des adultes dans une contrée économiquement sinistrée. Peut-on vraiment trouver du plaisir à suivre Anthony et son cousin, chapardeurs de canoé et voyeurs de culs-nus, perdus entre des hauts-fourneaux refroidis depuis longtemps, un petit lac cuisant de soleil et le profond désoeuvrement débordant d’ennui qui les habillent? Non! Il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer pour l’époque, le mode de vie et le quotidien des ces oubliés de la Terre! Pourtant, l’auteur captera notre attention, nous fera rentrer dans leurs existences et, avec lui, on s’interrogera sur les liens qui tissent, ou non, le filet des relations dont tout le monde a besoin pour éviter la chute. Une attention subtile est apportée à la place de la mère, celle qui ne sait plus trop comment vivre avec son homme, qui ne sait trop comment parler à son fils et qui, pourtant, se veut attentive à ce fils à pour qui elle rêve d’un avenir solide. « Sa mère avait pensé à tout. Elle l’énervait. Il était touché » pensera Anthony.


Nicolas Mathieu signe une fresque d’un monde qui fait peur. Il a existé. Il existe encore. Affligeant, sans doute. Mais il serait terrible de vouloir l’oublier. J’ai été touché par ces jeunes, les mêmes que ceux qu’il m’a été donné d’accompagner durant un temps professionnel. Mais Je suis conscient que les quarante ans d’avance dans la vie que j’ai sur Anthony m’ont procuré une bien plus belle jeunesse!


Leurs enfants après eux, un Gongourt, ma foi, sans doute bien mérité.

François_CONSTANT
8

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Créée

le 7 févr. 2019

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