Quand je décris le livre pour inciter des amis à le lire, j'emploi une méthode un peu putaclique mais qui est pour moi la plus efficace, je le compare aux chansons d'Orelsan. Car oui Leurs enfants après eux est une des fresques sociales les plus prenantes qui m'est été donné de lire. Tant la prise de conscience de la spirale de déterminisme social dans laquelle sont en train de tomber un spectre de plus en plus grand de la population française est extrêmement puissante.

Dès les premières dizaines de pages, on est happé dans l'existence des ados de la commune d'Haillange et on entrevoit déjà la fin, en fait la même qu'au début, le temps passé en moins. Nicolas Mathieu pose immédiatement cet espèce de verrou social qui semble avoir frappé toute la population de ce petit village des Vosges, inspiré du lieu d'enfance de l'auteur, déserté par le secteur industriel ("les hauts-fourneaux ne brûlent plus") et peuplé par les grands oubliés de la mondialisation, ce fameux "rêve américain mondial".

Quand Mathieu dézoome la focal et nous montre la mère d'Anthony, jeune quadra qui a fait une croix sur à peu près toutes ses espérances et son père qui enchaîne les travaux manuels, insensible aux doctrines qui animent les gens des milieux périurbains, avec ce fameux "scepticisme" vis-à-vis des immigrés, cette attitude résignée au regard de leurs situations professionnelles, cette rage sourde qui les anime mais qui est comme anesthésié par « leur petite place au soleil » comme disait Annie Ernaux. Ils se contentent d’apprécier la chance qu’ils ont d’avoir leur pavillon. Cette espèce d'ambiance "french-dream" est vraiment à crever et c'est ce qui a rendu le livre absolument exceptionnel.

Quand on creuse un peu, on s'aperçoit que l'auteur a repris les travaux de géographie électorale de Christophe Guilluy, la fameuse "France périphérique" laissée à l'abandon par les responsables des grandes villes. Ici, l'auteur décrit la reproduction sociale, des destins déçus des personnages dont certain reprendront le « flambeau familial » et d’autres, chanceux, quitteront la vallée pour réussir de brillantes études.

Bon, 600 pages en version poche cela peut être beaucoup pour un bouquin où on suit seulement les vicissitudes de quelque personnages mais vu le boost qu'on se prend à la fin où on a absolument pas envie de finir comme eux, ça en vaut quand même le coup. Bref un Goncourt encore pas volé!

Sabascoco
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le 10 août 2023

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Mathieu

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