Il y a 3 ans, en mars 2008, le Salon du Livre de Paris invitait l'Israël. A l'époque, l'INFL nous avait fait rencontrer Rosie Pinhas-Delpuech, écrivaine d'origine turque par ailleurs directrice de la collection « Lettres Hébraïques » chez Actes Sud et traductrice de l'hébreu (entre autres de l'auteur Etgar Keret que j'aime énormément). Nous avons passé une journée entière avec cette femme extraordinaire qui a réussi la prouesse de nous parler pendant 8 heures de littérature hébraïque sans tomber dans le piège d'une classe de jeunes libraires pseudo-politisés qui voulaient la faire parler du conflit israélo-palestinien. C'est l'un des cours dont je garde le meilleur souvenir. Elle m'avait fait appréhender l'extraordinaire variété des romanciers de langue hébraïque, et elle m'a donné l'envie de lire ce qu'ils avaient écrit. Alors bien sûr il y a Amos Oz, le monstre sacré, mais il y a aussi des auteurs moins connus comme Keret, Orly Castel-Bloom ou Benny Barbash. Et ceux-là, vraiment, valent le coup d'oeil !

Benny Barbash a publié il y a trois ans « My First Sony » qui était un petit pavé drôle et doux-amer sur la vie en Israël enregistrée sur un petit dictaphone par un enfant. Il nous gratifie cette année de Little Big Bang, un bijou court et abrupt qui, sous couvert d'une histoire d'une absurdité absolue, réfléchit avec justesse aux travers d'une société israëlienne qui a parfois perdu tout sens des réalités. Son héros est de nouveau un enfant qui observe le monde des adultes, mais ce monde est, dans Little Big Bang, bien fragmenté et peu stable. Sa grand-mère est une sioniste enragée, son grand-père un scientifique un peu loufoque mais surtout très imbu de lui-même, sa mère une femme débordée et son père un homme un peu faible, et surtout trop gros à son goût. Il essaye tous les régimes possibles et imaginables sans perdre un gramme, jusqu'à ce qu'il rencontre un médecin célèbre qui lui prescrit une cure d'olives. Il ne peut plus manger que ça. Et, au bout d'un certain temps, un olivier va lui pousser dans l'oreille ...

Sur cette trame plutôt inhabituelle se greffe donc une réflexion. Mais pas une de celle chères à nos philosophes, j'aurais tendance à dire qu'on est plus dans la réflexion dûe à un miroir. Barbash se pose en observateur, pas en juge. Ses personnages, somme toutes assez archétypaux, semblent toutefois être une peinture assez précise de la société hiérosolymitaine partagée entre la haine des Palestiniens et le besoin d'eux, au moins comme main d'oeuvre. Sur un fond de querelles domestiques assez réjouissantes entre une mère juive tout ce qu'il y a de plus classique et sa belle-fille (cherchez pas, si vous êtes un homme, vous ne pouvez pas comprendre) l'histoire se déroule jusqu'à une acmé drolatique qui nous fera au choix nous rouler par terre de rire ou secouer la tête en soufflant et en levant les yeux au ciel.

Little Big Bang est un petit roman que l'on savoure en une heure à peine, mais cette heure-là est fort bien employée, et on en ressort avec le sourire jusqu'aux oreilles !
Ninaintherain
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le 26 mars 2012

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