Pour commencer, la première phrase est drôle. Pour continuer et pour finir, toute l'histoire est tordante, toquée, piquée !


Le jeune Assafi, douze ans et demi, habite en Israël avec sa famille farfelue et très unie ; un papi astrophysicien de renommée mondiale, une mamie ayant vécue l'époque de la Shoah et qui croit aux miracles, une petite sœur toute mignonne, une maman amusante qui sait prendre des décisions et qui garde les pieds sur terre, et un papa gros. Celui-ci le demande à tout le monde, s'il l'est vraiment, gros. On imagine aisément un Obélix saluant « Shalom », affirmant « Ils sont fous, ces Palestiniens » et répétant « Je ne suis pas gros, je suis juste un petit peu enveloppé ». Au fond de lui, il sait que ce n'est pas vrai, et d'ailleurs il se met au régime. Aux régimes, plutôt. Jusqu'à consulter une diététicienne qui lui assure que le régime à base d'olives est fait pour Roy (c'est le nom du papa). On aurait dû écouter maman, elle était un peu suspicieuse, mais bon. Roy mange donc ses petites olives pour maigrir. Lorgnant un peu trop sur les crêpes, omelettes, desserts lactés, etc., des enfants au petit-déjeuner, il finit par avaler de travers et un noyau d'olive se retrouve coincé dans la gorge. Non en fait, pas dans la gorge, dans l’œsophage, merci docteur. Et la petite graine deviendra grand arbre. Un olivier se met à pousser dans l'oreille de Roy.


Appartenant à cette relation d'après la Shoah, Benny Barbash rappelle aussi les horreurs vécues par le peuple juif, avec humour, « parce que c'est une des meilleures armes que l'homme ait jamais forgées pour lutter contre lui-même. » (~Romain Gary)



Quelques extraits de ce conte désopilant.



Un repas de Roy :



Il commença donc par suivre un régime extrême, à base de lait et de pommes, qui autorise la consommation de vingt pommes par jour, jusqu'à cinq verres de lait et de l'eau à volonté. Le souci avec ce régime fut que papa se mit à avoir l'impression d'être lui-même une pomme, ce qui n'est pas une sensation extraordinaire. Les pommes sont certes rondes, mais elles ont un esprit très carré et papa abandonna cette formule en faveur d'un régime à base de concombres – qui ont, eux, une personnalité longiligne – lequel permet de manger jusqu'à vingt concombres par jour, accompagnés d'eau à volonté. Il ne s'était pas écoulé plus de quatre jours que papa lançait avec colère à maman – qui venait de déposer devant lui deux concombres sur une assiette – qu'il commençait désormais à se sentir concombre. Il n'était pas certain s'il ne valait pas mieux se sentir pomme. Laquelle est ronde, elle, au moins, et a du goût, alors que ces deux concombres épluchés, l'un long et mince et l'autre petit et gros, lui rappelaient Don Quichotte et Sancho Panza. (p.39)



Oto-rhino-laryngologie évolutionniste botaniste.



Certains spécialistes se risquèrent prudemment à déclarer que papa annonçait la naissance d'un genre nouveau sur terre et ils recommandaient de faire entrer dans le comité de recherche un biologiste évolutionniste, spécialiste des sauts évolutifs. Seule une personne à même de comprendre comment les microbes sont devenus des poissons qui se sont mis à allaiter leur progéniture, puis à voler par erreur, pourra peut-être offrir une solution à cette énigme. (p122 – 123)



Gogol et les médecins.



Au centre médical, nous apprîmes que le docteur Rosenberg était décédé récemment, il y avait de cela une petite quinzaine d'années, et qu'il était remplacé à titre provisoire par le docteur Irena Overman dont le nom, inscrit sur les porte, rappela aussitôt à papa docteur Auvert, ce médecin français de Moscou qui avait soigné Gogol, son écrivain préféré. Le malheureux Gogol était tombé entre les mains de cet Auvert (…) qui commença par jeter Gogol dans une baignoire d'eau brûlante, avant de lui plonger la tête dans l'eau glacée. Les deux médecins allongèrent ensuite leur patient, tremblant de froid, sur un lit, et lui posèrent sur le nez un grand nombre de sangsues afin qu'elles lui enlèvent le mauvais sang et les humeurs. Gogol se contorsionnait sur ce lit, à bout de forces, et les suppliait d'ôter les sangsues de son visage. Il avait du mal à parler, car une partie des sangsues avait migré de son nez et de ses narines pour s'engouffrer dans sa bouche et s'établir sur sa langue, où elles pouvaient sucer son sang de tout leur soûl. Gogol eut beau crier et menacer et exiger qu'on le libère de ces créatures dégoûtantes, rien n'y fit. (…) Tout cela pour démontrer à quel point la médecine, raillée par Gogol dans ses livres, était mue par un sentiment de compassion. (p109)




Musique



• L'évolution des espèces, ou comment un olivier se met-il à pousser dans une oreille. Right Here, Right Now ~ Fatboy Slim.
• Bien rester à l'écoute. Echoes ~ Pink Floyd
• Une chanson sur l'olivier par Daklon. L'arbre d'olive.
• Deux artistes évoqués dans le roman, Naomi Shemer, simplement belle à écouter, et Hadag Nahash, complètement délirant.



Peinture



• De quoi bien se restaurer la vue, avec Arcimboldo d'abord.
Le repas copieux, c'est fini. Maintenant, on va pouvoir se prendre pour une pomme, été comme automne .


• Comment ne pas songer Van Gogh à l'oreille coupée. et ses paysages huileux, champ d'oliviers et oliveraie


• Ce conte tient du rêve. Le rêve de Jacob de Marc Chagall.


• Du Dali pour s'envoler dans l'espace, prend de la hauteur et reconsidérer notre condition.
Aliyah, la renaissance d'Israël, Aliyah, après le génocide.
Don Quichotte & Sancho Panza, nos concombres préférés.

smilla
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le 20 mai 2017

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smilla

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