Instructif, sans plus

Ce premier tome couvre le monde germanique et anglo-saxon, c'est-à-dire essentiellement le Royaume-Uni qui a vu naître ce genre musical excessivement marginal, jouissant d'une fort mauvaise réputation, à la fois doux, mélodieux, simple et hermétique en raison d'un goût consommé pour l'expérimentation. Comme il est clairement indiqué en introduction, le mot néofolk égare plus qu'il n'oriente. Il ne s'agit nullement d'une musique néo-folklorique, c'est-à-dire néo-populaire ou traditionnelle. Dans le monde anglo-saxon, est appelée "folk" toute musique jouée avec la guitare du même nom, acoustique à cordes métalliques. Le néofolk est donc une musique employant, encore que pas systématiquement, des guitares folk. Elle s'origine dans la musique industrielle née à la fin des années 1970 autour du groupe Psychic TV, secte occultiste parodique voyant se réunir toutes sortes de marginaux aux idées les plus extravagantes. La musique industrielle, agrégeant un ensemble d'expérimentations sonores amplifiées ou électroniques en partie à partir de machines conçues par l'un des Beatles, se veut volontairement agressive et hermétique, renvoyant à la société industrielle ce qu'elle est, à l'image des chambres à gaz utilisées comme logo du label fondateur ou dans les clips, où se mêlent aux images des images du génocide des Juifs des films pornographiques, passés durant les concerts de Throbbing Gristle.

De ce milieu provocateur et subversif se sont rencontrés divers acteurs du futur mouvement néofolk, David Tibet, le fondateur de Current 93, et Douglas Pearce, celui de Death In June, notamment. Dérivant de la musique industrielle, du post-punk, de la cold wave ou du dark ambient, ces deux artistes intègrent les guitares acoustiques accompagnées d'un chant simple et sobre lorsque David Tibet se prend de passion pour le folk psychédélique et la revival folk anglaise des années 60-70, puis des musiques populaires dont elles s'inspirent. Le néofolk se consolide ainsi autour d'un jeu de guitare typique agrémenté d'expérimentations industrielles ou bruitistes. Tibet infuse à sa musique un profond mysticisme, influencé d'abord par le bouddhisme et la runologie puis par la mystique catholique, rhénane en particulier. Le paganisme est aussi une source d'influence importante chez Death In June, Blood Axis, et surtout Sol Invictus, qui introduira également sa part de références au catholicisme. Le genre trouve ensuite un écho très important en Allemagne et en Autriche, où il est chanté en allemand, et reprend à son compte les thèmes tournant autour des désastres européens du XXe siècle — le néofolk est une musique se voulant européenne. Mais cette esthétique suscite surtout incompréhensions et rejets : les auteurs du présent livre montrent bien qu'il y a monstration et non défense idéologique du fascisme ou du nazisme. Le romantisme et la nostalgie païenne irriguant les scènes allemandes demeurent en outre mal perçus en Allemagne, étant entendu que le nazisme s'origine dans toute forme culturelle allemande antérieure à 1945.

C'est donc un livre instructif sur l'histoire et l'imaginaire des groupes. Mais son plan à tiroirs (introduction générale, genèse du genre, analyse de la discographie de chaque groupe par pays) rend la lecture laborieuse, empilement de remarques sur les albums analysés les uns à la suite des autres. A voir si le volet thématique du second volume sera plus intéressant, s'il permet de réaliser une synthèse analytique. Les éléments musicologiques sont absents, et les remarques sur les musiques traditionnelles plutôt à côté de la plaque. La traduction paraît mal assurée, ce qui n'est pas sans poser problème quant on sait que les anglais et allemands folk/volk n'ont pas (du tout) les mêmes connotations que leurs dérivés en français, point qui me semble important mais qui n'appelle aucune remarque de la traductrice... Le style est, en outre, assez plat, très descriptif.