Lecture presque mystique, ce texte est une plongée dans une pensée féministe radicale et visionnaire. Moi qui ai toujours abordé la société sous l’angle classique de la lutte des classes, j’ai trouvé cette vision très intéressante et inspirante. Haraway montre que, bien au-delà de l’oppression économique, c’est le patriarcat qui structure la domination. Là où le marxisme analyse les rapports de production et que le féminisme socialiste reste centré sur l’égalité des sexes, Haraway va plus loin : elle met en lumière un instinct humain plus profond, celui de dominer, d’exploiter et de hiérarchiser.
Et comment s'émanciper de cette domination, par quel moyen ?
Par le cyborg. Pour Haraway, cette figure hybride, mi-machine, mi-organique, incarne une chance pour l’humanité de s’affranchir de ses vieux schémas destructeurs. Ni homme, ni femme, ni nature pure, ni technologie froide, le cyborg est une métaphore de libération, une possibilité d’échapper aux carcans biologiques, sociaux et politiques. C’est une vision incroyablement optimiste, presque utopique, mais cela correspond à cette époque, dans un autre genre T. Leary porte la même espérance, en la technologie qui devient un outil d’émancipation plutôt qu’un instrument de contrôle. Bon les choses ont changé depuis.
Aujourd'hui, Haraway semble se rapprocher d'une pensée illustrée par Despentes dans King Kong Théorie, quand les espèces de l’île, dans le film de P. Jackson, plantes comme animaux, sont décrites comme androgynes, échappant aux catégories binaires de la nature.
Aujourd’hui, Haraway s’intéresse moins au cyborg technologique qu’à des hybridations avec le vivant, notamment les mycéliums, ces réseaux de champignons qui incarnent l’interconnexion et la coopération. Sa vision actuelle dépasse l’idée de fusion homme-machine : elle imagine une humanité qui se réinvente en symbiose avec la nature, dans un tissu relationnel fait de co-dépendance et de réciprocité. Exit le techno-optimisme.
Haraway écrivait dans un contexte où la technologie semblait prometteuse, presque émancipatrice. Aujourd’hui, ses réflexions sur les mycènes résonnent comme une invitation à repenser notre rapport au monde avant que les logiques de contrôle et d’exploitation ne s’imposent définitivement.
Bref un texte intéressant sur l'histoire et la vision de nos technologies qui parle bien de son époque et des espoirs déçus de cette époque.