Après la débâcle de l’armée française en mai 1940 nombre de français et d’opposants au régime nazi dont beaucoup de juifs se sont retrouvés sur les routes, fuyant l’avancée allemande. Certains appartenant au gotha intellectuel étaient sur des listes de la gestapo.
Aux Etats unis, sous l’impulsion de Thomas Mann et de la femme du président, Eleanor Roosevelt, Varian Fry et quelques autres ont décidé d’exfiltrer de France les plus reconnus des persécutés, et fondent l’Emergency Rescue Commettee. Varian Fry sans expérience mais avec beaucoup de caractère se rend à Marseille pour agir en ce sens.
C’est cette histoire authentique que Uwe Wittstock, journaliste et historien, rend compte dans ce livre bourré d’informations sur cette période. Avec le ton juste, les premiers chapitres sont très courts, passant d’Heinrich Mann et de sa femme Nelly à Nice, à hannah Arendt à Gurs, de Feuchtwanger interné au camp des Milles, de franz Werfel à Lourdes et de bien d’autres encore. Ce panorama rendu de manière nerveuse rappelle la formidable évocation de cette angoissante pagaille dans le film de Rappeneau, “Bon voyage”.
Puis ensuite, après la fuite sur les routes, chacun cherche une bouée de sauvetage. C'est là que
la rumeur de l’existence d’un centre de secours américain fait son chemin, beaucoup, ayant loupé l'embarquement à Bordeaux, se rendront à Marseille. Fry, épaulé de la magnifique Mary Jayne Gold, jeune millionnaire américaine, use de tous les stratagèmes possibles pour faire sortir du pays ces malheureux. Il prend même contact avec la pègre, la famille Guérini ( pour qui connaît un peu l’histoire marseillaise, ce nom parlera ). Par bateau et surtout par un chemin pyrénéen qui longe la côte après Perpignan, il fait sortir du pays pas loin de 2000 personnes. Les conditions du sauvetage deviennent de plus en plus difficiles pour Fry, sous la contrainte des autorités françaises et paradoxalement du secrétariat américain des affaires étrangères, en octobre 1941 il doit quitter le pays.
Uwe Wittstock, s’appuyant sur une bibliographie imposante, composée de récits, témoignages et de correspondances, restitue de manière magistrale la vie et l’oeuvre de ce comité de secours.
Die Welt parle du meilleur de la non-fiction narrative. Je suis bien d’accord avec cet avis.