Après avoir lu et adoré « Pour que tu m’aimes encore », 2eme livre de l’auteur, j’ai eu très envie de me plonger dans « Marx et la Poupée ».

Les deux récits se complètent d’ailleurs très bien : le 1er revient sur l’enfance de l’autrice, et le 2eme sur son adolescence. Les démarches d’écriture, en revanche, son radicalement différentes. 

Là où Maryam Madjidi s’était efforcée de revenir sur sa période collège/lycée avec ses yeux de l’époque, une naïveté nous forçant à décrypter les injustices et les dysfonctionnements du système dans lequel elle a grandi, elle choisit ici de réinvestir de son souffle et de sa rage d’adulte la violence qui a entouré sa petite enfance. C’est un livre d’introspection profondément engagé, dénonçant les exactions de la revolution réactionnaire Iranienne des années 80 mais aussi le système « assimilateur » français,  broyeur républicain, avatar révélateur du racisme d’état. 

Certains passages sont très forts : l’intellectuel iranien en prison qui regarde tous les jours un dessin animé stupide parce que sa femme double un personnage ; des pages magnifiques et si pertinentes sur sa condition d’exilée, notamment à travers le langage ; les rêves perdus de sa mère et de son père, arrachés à la vie qui leur était promise dans leur pays ; évidemment la scène de retrouvailles avec sa grand mère en Iran, qui m’a tiré une larme.

J’ai trouvé très intéressant le passage sur l’orientalisme fantasmé des Français, qui idéalisent Maryam dans une forme de racisme soft. Étrange qu’elle fasse la même chose avec son amant iranien, qu’elle fantasme exactement de la même manière, en bad boy mystérieux, alors qu’il a tout l’air d’être un gros mascu qu’elle aurait certainement méprisé si elle l’avait rencontré à Paris. 

Mais cela ne gâche en rien le plaisir de lire ce récit, ponctué de petits contes poétiques qui allégorisent ses souffrances et dont le genre colle bien avec la période traitée, l’enfance.

Si, à titre personnel, j’ai un petit faible pour son 2eme ouvrage (pour son humour, et ses touches de légèreté), je recommande chaleureusement la lecture de celui-ci si vous cherchez quelque chose d’un peu plus mélancolique et poétique.

Et décidément, quelle autrice!

Gooule
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le 2 août 2025

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