Médée Kali
6.8
Médée Kali

livre de Laurent Gaudé (2003)

Le problème avec ce livre, c’est que c’est un livre. Non que ce soit mauvais, mais Médée Kali n’est pas un livre, pas un texte, c’est une pièce de théâtre. Autant lire le livret d’un opéra qu’on n’a jamais vu. Autant juger une chanson seulement sur son texte : la question consisterait donc à savoir si Médée Kali équivaut plutôt à “With a Girl Like You” des Troggs – texte inepte, bonne chanson – ou à « La lumière jaillira » de Brel – texte mauvais, chanson nullissime. (Le lecteur qui n’est pas d’accord avec mes choix n’aura qu’à trouve des correspondances chez lui.) C’est peut-être très bon, donc, sur scène, avec une bonne troupe.
En attendant, je ne suis pas grand partisan de certains choix de Gaudé. Mêler les figures de Médée et de Kali, pourquoi pas. Y ajouter celle de Méduse, ça me paraît beaucoup, dans la mesure où on se retrouve avec trois mythes dont chacun est déjà extrêmement riche lui-même. Il y a risque de saturation, surtout avec un texte aussi bref et porté par un seul personnage. C’est un peu comme faire une ratatouille en donnant le même temps de cuisson à l’aubergine, au poivron et à la tomate : au mieux, il y a un des trois légumes qui ne sera ni trop cuit ni pas assez, alors que pris séparément, les trois sont bons. Certes, Gaudé affirme que « Médée, une fois qu’elle a tué ses enfants, est l’image exacte de la Méduse. Un être terrifiant qui pétrifie ceux qu’elle croise par sa monstruosité. » C’est vrai, mais on pourrait en dire autant de tous les meurtriers illégitimes de la mythologie.
Je ne suis pas fan non plus des pièces-monologues – je veux dire avec des interactions entre personnages très limitées. Généralement, la dimension théâtrale n’y apporte pas grand-chose : autant ôter les didascalies – quand il y en a, et dans cette pièce-ci il n’y en a pas – et appeler ça une nouvelle. Le texte doit être de haut niveau sur la durée, et là encore ce n’est pas le cas de Médée Kali. Non pas que certains passages ne soient pas marquants : « Nos cheveux de mort ont poussé, nos mains se sont élargies, nous sommes devenus aussi grands que toi. Les entailles à nos gorges, les entailles que tu nous as faites, ont grandi elles aussi » (les enfants, scène VIII) ou « Mes yeux ont faim » (scène IX). Mais tout cela est dilué au milieu de trucs assez convenus, y compris dans cette manie de tirer sans cesse à la ligne, ni vraiment paragraphes, ni vraiment versets, et qui n’apporte jamais vraiment de rythme.

Alcofribas
5
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le 7 juil. 2017

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