Je suis très heureuse d'avoir mis de côté mes préjugés en achetant ce roman, qui est bien plus enrichissant qu'il n'en a l'air de prime abord.
Le récit suit la vie de Stéphanie, une vingtenaire victime d'une tentative de meurtre et d'une agression sexuelle. Loin de s'apitoyer sur les émotions de son personnage principal, le texte aborde avec sensibilité et détachement le parcours de cette femme blanche de classe moyenne qui a tout de son côté : un entourage proche et présent, une force mentale à toute épreuve, et une police prête à aller jusqu'au bout des démarches possibles pour lui rendre justice. En se plaçant dans ce qu'on pourrait qualifier, en quelque sorte, de "meilleures conditions possibles", le récit nous permet de creuser en profondeur ce sujet de société, tout en demeurant aux antipodes d'un intellectualisme rebutant et déconnecté de la réalité. Ici, toutes les "chances" dans le parcours de Stéphanie sont autant de portes ouvertes à la réflexion, autant de "et si" qui ne forcerons néanmoins pas le lecteur à s'aventurer sur les pistes dont il n'a pas envie. Libre à chacun de se construire ses propres réflexions face au destin de Stéphanie. Cet aspect extrêmement respectueux du livre à l'égard de son lecteur m'a beaucoup touchée, car il permet d'aborder le plus sereinement possible des questions pourtant très épineuses - quelque chose de franchement rare, il faut bien le dire.
Ensuite, Même pas morte est un texte tout simplement utile : il nous explique pas à pas ce qu'il se passe à l'issue d'une telle agression, que ce soit au niveau de son psychisme, des réactions de l'entourage, ou encore de la procédure judicio-légale. Ce côté "mode d'emploi", doublé de son écriture très bienveillante et abordable, en fait un ouvrage conçu pour être largement diffusé. J'aurais énormément aimé lire un tel livre quand j'avais 14 ans, et j'espère que certains enseignants ont eu le courage de s'en emparer dans leurs classes. Car, si Même pas morte n'a pas la même valeur stylistique qu'une fable de La Fontaine ou d'un pavé de Zola, il vient néanmoins apporter ses lettres de noblesses à un courant littéraire de plus en plus en vogue (et - faut-il le rappeler ? - qui fait pleinement partie des fonctions de la littérature), à savoir celui des romans abordant des sujets de société, dont il est un véritable modèle en la matière.
Je ne ferais pas l'affront de déplorer une écriture en apparence simple et superficielle, car force est de constater qu'elle a été extrêmement travaillée. Par exemple, on remarquera l'usage habile des pronoms : "tu" pour l'agresseur - qui vient créer une altérité avec celui dont instinctivement on met le plus de distance - ; "elle" pour l'agressée - qui empêche d'emblée de verser dans le sensationnalisme émotionnel - ; et enfin une multiplicité de dialogues au "je" - ce qui offre la possibilité à plein de personnages de s'exprimer avec le pronom auquel le lecteur tend à s'identifier.
J'espère du fond du cœur que ce texte trouvera un écho, si ce n'est pour le sujet abordé, alors pour la manière dont il le fait, qui m'a semblé juste et pertinente. Et n'ayez pas peur de le partager aux plus jeunes (dès 14-16 ans) : après tout, la violence ne fait que rarement attention à l'âge, et savoir à quoi s'attendre en amont me semble crucial. Ce livre a été rédigé par une doctorante en psychologie, et cela se voit : il permet de mettre tout le monde autour de la table de discussion. Alors achetez-le, et diffusez-le.