Edward Snowden, un héros en manque de pédagogie

La lecture des autobiographies est normalement une discipline qui ne m'intéresse guère, l'histoire d'un homme n'a généralement que peu de rapport avec les évènements dans lesquels il est pris, mais s'il fallait nommer un héros de notre temps, nul doute qu'Edward Snowden aurait un certain suffrage.

L'auteur commence donc le plus classiquement du monde par nous raconter son enfance. Il y a cette anecdote qui a bien marqué notre jeune Edward : dans les faubourgs de Washington où tout le monde travaille plus ou moins pour une agence gouvernementale, on ne parle pas de son travail, non par réel souci de confidentialité, mais juste parce que ce sont des boulots chiants. Mais si, comme il le dit lui-même, si vous invitez au barbecue dominical un ingénieur informaticien qui ne fait que parler de son boulot, vous ne l'inviterez plus parce que c'est un gros relou.

Le 11 septembre est l'évènement qui fera basculer les EU et avec eux le jeune Edward dans un patriotisme prompt à justifier n'importe quoi. Il reconnait lui-même s'être trop facilement laissé happer par l'hystérie qui a suivi ce tragique attentat, et voici donc Edward qui fait ses classes à ramper dans la boue sous les barbelés pour finalement se faire exclure pour blessures plus ou moins contre sa volonté.
Pas le choix, mon petit Ed, mais c'est bien de l'informatique que tu feras. L'entrée à la CIA est la découverte d'une autre transformation radicale qui a touché toutes les administrations américaines, mais aussi l'armée : l'utilisation massive de service contractuel sous-traitant. Si nous avons tous entendu parler de la gabegie Blackwater, un ensemble important du personnel administratif n'est plus employé directement par les agences mais via des sociétés de consultants qui rejoignent ensuite l'agence.
Snwoden est assez effrayé du manque de professionnalisme d'un tel fonctionnement et surtout de son clientélisme patent.
Il s'attriste également de voir un personnel âgé et fidèle à l'agence se faire mettre à l'écart aux profits de jeunes informaticiens plus carriéristes que patriotes.

Snowden vante Tor.

Sa première affectation est à Genève, place importante pour le renseignement. Il observe la compétition entre agent de terrain et agent informaticien, le second devenant de plus en plus efficace. Mais en cette année 2008, c'est surtout la débauche de frics qui écoeure le jeune espion, le monde est sur le point de connaître sa plus grave crise financière ouvrant la porte à toutes sortes de populisme et pendant ce temps, l'élite n'en finissait de voir ses fortunes s'amasser.

C'est sur les métadonnées que se joue tout l'enjeu de la surveillance, en soit le contenu des mails que vous échangez avec votre crush n'intéresse pas les espions, il leur suffit juste de savoir combien de temps vous avez regardé son profil, à quelle heure et combien de fois par jour et le reste se déduit globalement tout seul.
Autant dire que l'arrivée des objets connectés emplira de frayeur le futur lanceur d'alerte.
On peut être assez triste de ne pas voir être introduit un concept pourtant cher au monde de la surveillance, celui de sousveillance, pourquoi seuls qui sont au-dessus pourraient scruter et pourquoi pas ceux qui sont en-dessous pour justement regarder ceux qui sont au-dessus?

Il faut bien comprendre que, dans cette course aux renseignements, les EU ont une avance incontestable, principalement car toutes les grandes corpos en ce domaine sont américaines, on pense évidemment au GAFA, mais également Dell, Intel, Microsoft...
La suite alors que c'était ce qui nous intéresse le plus est un peu plus légère : les raisons qui vont l'amener à devenir lanceur d'alerte ainsi que les moyens dont disposent les agences de renseignement.
Ainsi Snowden manque de pédagogie sur la ligne rouge à ne pas franchir : avec ou sans lui, le renseignement existera toujours, mais à partir de quand peut-on estimer qu'il dépasse ses prérogatives?
Snowden nous laisse croire que les agences américaines travaillent surtout pour leur pays, mais ça manque d'exemples.

Son évasion par la suite est connue et sans aller jusqu'à mériter un film est tout de même troublante, le gouvernement Obama et John Kerry en personne ont donc préféré l'abandonner en Russie (lui qui sait comment fonctionne l'intégralité de la CIA et NSA) pour éviter un procès dans lequel les deux agences de renseignements auraient sans doute beaucoup perdu en popularité.

Au final, Si Snowden reste un héros incontestable de notre temps, son ouvrage reste assez léger en terme de pédagogie sur les enjeux qui tournent autour des problématiques du renseignements, sans rentrer dans des débats techniques, il aurait pu nous donner plus d'arguments ou d'exemples pour appuyer une action dans laquelle il s'est presque sacrifié.