Sacha Sperling, de l'adulation à la moyenneté, du premier au troisième

Voilà une ou deux bonnes années que je chope des images dans les journaux, les magazines plutôt. Mes parents me les gardent tout spécialement. Enfin, mon père les achète et parfois les jette, ma mère non, tu vois la différence mais au final, ça revient au même pas vrai ?

Quoi qu’il en soit, à force de lire des livres et de feuilleter des magazines à la recherche de photos, je me suis dit qu’il pouvait exister un juste milieu, genre découper des livres ou plutôt lire les magazines.

Ce qu’il y a de formidable dans cette activité, c’est qu’il y a des journalistes qui sont payés pour lire des livres et te les conseiller. Oui, parfaitement, ce que je fais ici gratuitement et pour le plaisir, pour eux, c’est une obligation payée ! Je te jure, quel monde étrange !

En tout cas, c’est comme ça que je me mettais à lister de jeunes auteurs, jeunes comme dans jeune maman, rien à voir avec l’âge de l’auteur mais plutôt du bébé. Enfin, rien à voir, à part pour ce jeune branleur de Sacha Sperling, 23 ans, peut-être pas (encore) toutes ses dents, troisième livre. J’ai tout de suite voulu savoir s’il était comme ces autres petits cons qui suent le talent à peine pubère et si j’avais encore, décidément, à grands coups de fainéantise, raté ma vie. Au moins d’écrivain, parce que pour le reste, je suis déjà en assez bonne voie, du côté du gâchis, hein !

Bref, Sacha Sperling est-il le Xavier Dolan de l’écriture ? Je devais en avoir le cœur net. Fort heureusement, dans la médiathèque de ma ville communiste, le budget culture est illimité, surtout culture bobo, donc je peux me faire plaisir, j’avance et je recule dans les rayons, faisant durer le plaisir, c’est merveilleux, les trois livres sont là, je vais tout savoir.

En quatrième de couverture, merveilleux, « Sacha Sperling a … ans, c’est son … livre », atelier Remplacez vous-même par 18 / premier, ou 21 / deuxième, ou 23 / troisième. Normal, c’est vendeur. Même pour moi. Surtout pour moi, avec ma jalousie du talent et de la jeunesse, dans l’ordre. Je me saisis de Mes illusions donnent sur la cour, best seller, chef d’oeuvre.

Ça commence par un passage tiré, évidemment, de la fin. Bon, c’est son premier livre, cliché, normal. La scène est bonne, très bonne, et donne méchamment envie de lire la suite.

Et là, c’est la vie de la jeunesse désœuvrée des beaux quartiers, ouais choquant, à un age où mes plus grands remords sont, en un chronologiquement, d’avoir accepté de sortir avec un branleur de la cité à côté de chez moi parce que je devais être la dernière de mes copines à le faire. En deux, bien pire, de me mettre à fumer pour faire comme mes vraies nouvelles copines. OK.

Pour lui, les habitudes sont à base de coke, d’école buissonnière, d’alcool et pas les deux bières avec lesquelles j’étais complètement pompette fin troisième, ça non, de l’alcool fort, ben ouais, et le sexe, à deux, à trois, hétéro, homo, tout est permis, tout est accessible, tout est plus pervers que tout ce que j’ai fait de ma vie entière. Je suis pure donc ?

Pas exactement pourtant, mais ces gosses sont si dépravés. A treize ans (treize ! arg !), la gamine se fout à poil, bourrée, et se fait niquer par deux mecs. C’est peut-être que j’ai une fille de douze, ouais, non mais c’est gênant, j’espère qu’elle ne sera pas dans un milieu comme ça, ni l’année prochaine, ni jamais eh oh !

L’autre élément qui m’a décalée, c’est cette façon qu’ils ont de se faire des bars, des cafés, des restos, entre gosses, comme… ben comme moi, comme une fucking trentenaire mais à quatorze ans.

Bon, on parle du contenu, ben ouais, c’est tout ce qu’il y a, passé le superbe premier chapitre, tout est ni bon ni mauvais. Sur l’histoire en elle-même, pas mal, bonne histoire. Si c’est du vécu, bah, en même temps, c’est normal.

Bon, continuons notre analyse du jeune Sacha Sperling avec Les coeurs en skaï mauve.

Chagrin d’amour, précédé d’histoire d’amour, avec une meuf si belle et un mec si rebelle. Le point de vue du chagrin est pas mal, même les personnages sont pas trop dégueu, non, par contre le style est compliqué, pour ne pas dire #nul.

Ce qui est gênant ici, c’est que l’on sent la tentative de style, et personne ne lui a dit qu’il n’était pas abouti, ni agréable, ni parti pris, juste hautement dispensable. Ah forcément, 18 ans, premier livre, best seller, toute merde que tu ponds par la suite va être publiée. Un brouillon ? Pas de souci, c’est génial ! Pour être sûr quand même, on met en deux de couv’ ce que certains ont pensé du premier, et bim, Beigbeder, il doit savoir de quoi il parle, il est auteur.

Ca se vend. Ca se critique abondamment ensuite, mais oui, grosse attente, Ok, grosse pression pour le deuxième livre dans ces conditions, mais pas la peine justement de sortir un truc pas fini, non. Livre hyper mal reçu, alors qu’il est juste bof bof.

Allez, J’ai perdu tout ce que j’aimais.

Sacha revient à ce qui a marché, l’autobiographie (ou pseudo). Et bim, premier chapitre = dernier chapitre, mais oui, une recette éprouvée, connard.

Sacha raconte toute sa vie pendant le succès du livre et surtout après. En fabulant légèrement pour se rajouter un peu d’aventure. Bon, c’est pas si mal. Seulement bon, le mélange éculé Je raconte ce qui se passe comme un narrateur / Journal, l’hommage adolescent à Fight Club, et cette putain de façon d’écrire les dialogues qui est juste horrible, qui l’a relu ce con ?

Bon après, voilà, soyons pragmatique : Best seller / Hyper critiqué / Je me rattrape aux branches, Sacha va donc pouvoir commencer à écrire de vrais livres. On verra.

J’attends.
Phae
8
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le 28 févr. 2015

Critique lue 376 fois

Phae

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