"Nous sommes au fond quelque chose qui ne devrait pas être, c'est pourquoi nous cessons d'être"

Malgré la complexité du sujet abordé, ce Métaphysique de l’amour et de la mort reste agréable à lire grâce aux qualités pédagogiques de l’auteur qui explique clairement sa thèse, en la référençant, en l’expliquant clairement par des exemples.


Et ce qui est dit dans ce livre pourrait chambouler les âmes les plus sensibles car on s’aperçoit que, dans la philosophie de Schopenhauer comme dans celle de Nietzsche, l’homme malgré tous ses efforts pour se différencier de l’animal, n’échappe jamais à la nature de ses instincts. La différence entre les deux reste dans le fait que, chez Nietzsche, l'individu agit pour lui même, toujours dans le but de conserver sa personne alors que chez Schopenhauer, l'individu agit pour la conservation de son espèce.
La vision de Schopenhauer parait quand même plus réfutable puisqu'elle implique le finalisme, ce qui est réfuté dans le domaine de la génétique.


Dans la première partie donc de ce livre qui traite de la métaphysique de l’amour, celle-ci et la passion ne sont que des illusions, des chimères afin de rendre les instincts primaires de l’homme plus séduisants. Schopenhauer nous dit ici que, ce qui se cache derrière l’amour, ce n’est en fait que l’instinct de conservation de l'espèce, la volonté de procréer afin de conserver l’espèce.


L’idée n’est pas forcement séduisante au premier abord, cependant, Schopenhauer déploie plusieurs arguments qui viennent rendre sa thèse plausible. Par exemple lorsqu’il dit que les critères de préférence que nous avons à l’encontre du sexe opposé sont en fait une manière de venir compenser nos propres imperfections de sorte à obtenir l’enfant le plus disposé à la survie. Ainsi, il n’est pas rare selon lui de voir un homme petit préféré une femme grande, de sorte que, par compensation, l’enfant qui en résulte n’ait pas l’imperfection du père. L’homme trop maigre cherchera une femme forte et ainsi de suite. Le but de la quête amoureuse n’est alors rien d’autre que la quête de la perfection de nos propres imperfections.


Du fait des attributs féminins et masculins, chaque sexe va chercher alors chez l’individu de sexe opposé son attribut qui lui ait propre et que lui n’a pas. Ainsi, la volonté et l’action représente la virilité et la femme sera naturellement séduite par cet attribut masculin puisqu’elle ne le possède pas, toujours dans le but de conserver l’espèce dans son meilleur équilibre. Par ailleurs, le penchant de l’homme pour des femmes ayant une poitrine opulente n’est, selon Schopenhauer, pas anodin : C’est l’assurance pour la progéniture d’être nourri dans ses premiers mois…


Il explique aussi pourquoi l’amour est à ce point compter chez des grands auteurs tels que Goethe ou Platon et surtout, pourquoi il est à ce point tragique : C’est parce que l’individu détient en lui seul la responsabilité de la survie de toute une espèce.


Si sa thèse est vraie, si l’homme et la femme n’ont d’autres buts, à travers leur amour, que de conserver l’espèce, cela permet d’aboutir à la conclusion suivante : Si l’homme est à ce point volage, c’est parce qu’il peut enfanter avec une fréquence beaucoup plus importante que la femme qui, elle, ne peut avoir un enfant tous les 9 mois et donc, s’accommode bien plus facilement d’avoir un seul et même partenaire sur la durée que l’homme.
La femme qui se venge alors de son mari qui la trompe va contre nature !


Cependant, quand est-il de l'avortement ? Est ce que l'avortement met en contradiction cette thèse puisqu'ici, l'homme ne recherche que le plaisir immédiat et non la volonté de procréer ? Non, car la volonté de procréer ne vient pas de l'individu mais bien de l'espèce : "Comme vouloir-vivre qui s'affirme, l'homme trouve la racine de son existence dans l'espèce". Dans une société hédoniste qui repose sur le plaisir immédiat de l'individu, dans une démocratie ou ce même individu est sacré ainsi que tout ce qui peut lui apporter satisfaction ( les plaisirs) , il n'est donc pas rare que le plaisir de l'individu, en tant que plaisir seul, prenne le pas sur sa volonté de conservation de l'espèce.


Quant à la partie sur la métaphysique de la mort, elle est plus complexe que celle sur la métaphysique de l’amour, disons qu’il faut s’accrocher !
Néanmoins, j’en retiens quelques idées et quelques points de vu qui ne me sont pas étrangers. Notamment lorsqu’il dit que la mort n’est qu’une question de point de vue, que sa tragédie devient relative lorsque l’on dépasse le point de vue de l’être humain car, du point de vue de l’espèce, la mort d’un être sera remplacé par la naissance d’un autre et le fait que ces deux individus soient fondamentalement les mêmes (toujours du point de vue de l’espèce) amène à dire qu’il n’y a pas de fin. L’homme en tant qu’espèce, en tant qu’idée platonicienne ne meurt jamais d’où l’analogie de Schopenhauer lorsqu’il dit « le sommeil est à l’individu ce que la mort est à l’espèce ». Ce qui meurt par contre, c’est « son ombre, sa copie dans notre monde de connaissance lié au temps ».


Si nous nous représentons le monde après notre mort, nous nous pourrons nous empêcher de nous faire exister à nouveau puisque le monde n’est qu’une représentation de notre moi. C’est donc une erreur que de croire que le monde vit après notre mort puisqu’il est le fruit de notre représentation. Il faut donc dire que le monde n’est plus lorsque l'homme en tant qu'individu meurt mais que l’homme en tant que volonté lui ne cesse d’exister.


Schopenhauer en vient aussi à émettre des contradictions entre l’ancien et le nouveau testament, puisque l’ancien dit que Dieu a tout créé à partir du néant, ce qui implique comme conséquence que tout finira par revenir au néant ; ce que ne dit pas le Nouveau Testament puisque, dans ce dernier, l’âme est immortelle.


Un livre intéressant donc, sur un sujet fascinant, tout en étant clair dans sa complexité !

Gahisto
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le 26 nov. 2015

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