Moi, Tituba, sorcière noire de Salem m'a accompagnée pendant une bonne partie de mon enfance. Paru au Mercure de France en 1986, il est resté pendant longtemps au catalogue du Club du Livre et ma mère l'avait acheté lors d'une offre « soixante-douze livres offerts si vous vous abonnez pour trente générations », pensant probablement que c'était un livre pour enfant (mon édition n'avait pas d'image de couverture). J'ai du lire ce roman une vingtaine de fois. Au début, paniquée par l'histoire de cette esclave à qui le pire arrive tout au long de sa vie. Puis, en grandissant, émoustillée par le langage parfois cru de Maryse Condé. Et maintenant, impressionnée par un roman qui passe à travers les années sans souffrir du temps, qui me passionne toujours autant et me fait enrager comme lorsque j'étais ado.

« Abena, ma mère, un marin anglais la viola sur le pont du Christ the King, un jour de 16** alors que le navire faisait voile pour la Barbade. C'est de cette agression que je suis née. De cet acte de haine et de mépris »

A-t'on jamais rêvé incipit plus impressionnant ? Plus violent ? Rien que de le relire, ici, j'en ai les poils qui se dressent. Les personnages de cette vasque fresque sur l'esclavage m'ont toujours accompagnée, miss Endicott qui trouve que l'intérieur des mains des esclaves est sale, et Tituba qui les trouve plutôt beaux comme des coquillages, John Indien son premier amant qui lui fera quitter sa cachette de sorcière, John Parris par qui le mal viendra ... Moi Tituba sorcière noire de Salem est bien entendu une relecture de l'épisode des procès de Salem, c'est la version de Maryse Condé qui s'est emparée du personnage de Tituba, nourrice réelle des enfants qui accusaient les sorcières, mais dont si peu de monde a parlé car elle était noire.

Je découvre en écrivant ce message que certains profs ont eu le courage de faire étudier ce roman au lycée, ce qui me prouve qu'il y a d'autres représentants de l'espèce d'EG ma prof de première/terminale : des profs de littérature qui aiment leur métier, et la littérature, et qui veulent la faire découvrir.

Faites comme eux, lisez ce roman, vous en sortirez forcément changé.
Ninaintherain
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le 26 mars 2012

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