Je trouve personnellement que Stephen Graham Jones n’a pas une écriture facile facile, qui me permet d’imaginer aisément les situations dans l’espace et le temps, de visualiser les actions. Cela me contraint parfois à relire des passages, m’obligeant de ce fait, à prolonger ma lecture. J’avais ressenti le même effet avec Galeux et Un Bon Indien est un Indien Mort. Et c’est un peu dommage, parce que si je peine avec la forme de son écriture, j’adore le fond et ses idées. Plus particulièrement celui-ci, qui est un excellent, un incroyable, hommage aux films d’horreur !

Plus spécialement au slasher, mais il survolera tout de même les autres sous-genres, tels que le film Rape and Revenge, le film de monstres, de sorcières, de fantômes, de possession, etc…


Jade, lycéenne, est une grande fan de slasher movie et toute son existence vague autour de sa passion. Descendante de Blackfeet comme souvent les personnages de Graham Jones, vivant dans un bungalow de classe sociale inférieure, marginale et passionnée de cinéma de genre, elle n’a pas en réserve, les qualités optimales pour s’intégrer dans cette Amérique qui n’est plus vraiment la sienne.


Ayant passé une grande partie de son dernier trimestre en institut psychiatrique pour une tentative de suicide, elle découvre à son retour une nouvelle élève. Cette nouvelle élève a tout d’une « Fille Finale. » Et si une Laurie Strode ou une Sidney Prescott ou une Sally Hardesty est dans le village, alors pour Jade cela ne fait absolument aucun doute : un slasher se prépare…


« Et, si Jade a raison et qu’une fille finale est enfin arrivée à Proofrock, alors ça veut dire qu’un cycle de slasher essaie de commencer, et que bientôt la vie ne vaudra plus grand-chose par ici. »


Et elle va tenter par tous les moyens de convaincre son prof d’Histoire, le shérif et évidemment La Fille Finale…


Si vous avez adoré Randy Meeks dans Scream, vous adorerez Jade dans Mon Coeur est une tronçonneuse. Parce que comme Randy, Jade a une culture cinématographique du slasher, lui permettant d’avoir des théories et des réponses à tout. Et l’auteur maîtrise son sujet à la perfection !! Avec une description transcendantale de la Fille Finale à la limite du Grand coup de foudre exaltée (je vous invite à lire ce roman ne serait-ce que pour ce passage dans les toilettes du lycée), avec des références de personnages et de films à tout bout de champ, donnant ainsi une argumentation sans faille (les parents et les flics ne servent à rien, le cinéaste aime tromper son public, qui est coupable ?).


Jade compare les films d’horreur avec l’Histoire de son village, pour justifier une vengeance potentielle. Est-ce cette fille qui s’est noyée et revient d’entre les morts comme Jason Voorhees ? Est-ce le flic qui se venge de la mort tragique de sa fille ? Est-ce ce prêtre gourou qui a tué ses adeptes autrefois dans ce même Lac ? Mais si vous connaissez les films d’horreurs, vous savez également que tout est trompeur.

N’est-ce pas plutôt Jade qui a des problèmes psychologiques et qui voit un slasher là où il n’y a rien du tout ? D’autant qu’il est parfois difficile de faire la différence entre la passion de Jade, et la réalité.

Où est-ce qu’on ne peut pas utiliser les problèmes psychologiques de Jade pour faire un bon slasher, puisque de toute façon personne ne la croira ? Ou alors ne peut-on pas utiliser Jade, l’inadaptée sociale fan de films d’horreurs pour l’accuser de quelque chose qui dépasse la logique?

Et puis vous savez, il y a toujours un spectaculaire twist final…


« Vu que le slasher existe depuis presque quarante ans, peut-être que la seule façon de créer encore du suspense, c’est de briser les règles du genre. »


Et puis un slasher se veut parfois fantastique puisqu’il est comme Michael Myers, il ne meurt jamais.

Et surtout, il y a l’allégorie de la souffrance et celle de la vengeance, le symbole de la marginalisation sociale, le mal étouffé qui ne se guérit que dans le massacre : la catharsis.


Mention spéciale à la théorie de Jade concernant Les Dents de la Mer de Spielberg. Film que j’adore en tout point, de son travelling compensé à ses répliques cultes, en passant par la musique et un Richard Dreyfuss tirant la langue excédé par l’arrogance de Quint. Oui j’adore ce film.


« C’est toujours son moment préféré dans tous les slashers. On sait maintenant, grâce aux cadavres qui s’accumulent, que quelqu’un pense avoir une bonne raison de tuer tous ces gens, peu importe comment. L’étape suivante, c’est de comprendre ce que les morts ont en commun, où leurs chemins se sont croisés. »

Un grand merci aussi pour cette myriade de souvenirs que m’a apporté la lecture de ce roman, pour le slasher, mais aussi pour les autres films d’horreur. Pour mes nuits vidéos à regarder Laurie Strode courir devant un Michael Myers déterminé, Johnny Depp avec son tee-shirt ras le nombril recraché par son lit en fontaine de sang, Nancy Thompson qui court dans des escaliers en guimauve, boit du café pour ne pas dormir, l’humour douteux d’un Charles Lee Ray empaqueté, les cris de Marilyn Burns, le masque de Jason et les adolescents qui se fendent la poire dans tous les sens du terme, mes heures passées aux vidéos clubs, mon Pop-Corn maison pas toujours réussi trop gras de beurre, et les bonbons qu’on dévorait tandis que Lionel Cosgrove patinait sur du sang, que Regan faisait des 380° avec sa tête, que Ash se battait avec sa main, que Barbara n’attendait pas qu’ils arrivent, que Carol-Ann fixait sa télévision, que Jack Torrance tapait sur sa machine à écrire, que Frank Zito coiffait des cheveux, que Helen Lyle passait derrière le miroir d’une salle de bain, que Thana portait un flingue à ses lèvres avec son costume de none, et tout cela pour échapper au monde réel, celui plus cruel car il est authentique. Alors Jade, ma demi-soeur romancée, je te vois et je te lis. Je te partage à présent. Merci Stephen Graham Jones.

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