Eddie, chauffeur de taxi de nuit, est un témoin silencieux de la vie nocturne de Chicago. Il accepte presque tous les trajets, mais il reste sur ses gardes, évitant de s'arrêter là où le danger guette. La mort rôde à chaque coin de rue : des prostituées trop jeunes, des collègues braqués et envoyés à la morgue, une ville cruelle où l'on survit plus qu'on ne vit.
Derrière ces conditions de travail précaires, Eddie semble apprécier son boulot autant qu'il le réprouve. Il connaît Chicago par coeur, chaque artère, chaque ruelle, chaque ombre, et oscille sans cesse entre attachement et dégoût. Une nuit, un collègue pourtant très vigilant est assassiné. Une autre nuit, Eddie découvre une jeune fille mutilée, enfermée dans un sac… Alors, entre deux courses, il observe, écoute, enquête à sa manière. La routine se poursuit, rythmée par des clients parfois sympathiques, parfois fourbes, souvent trop bourrés, et parfois carrément menaçants.
Certains passages sont criants de vérité. Pour cause : Jack Clark a réellement été chauffeur de taxi. Son roman sent le vécu, rendant l'immersion absolument totale. On a l'impression de devenir la caméra qui suit Eddie dans les rues de Chicago. On s'attache à lui, à ses collègues, Ace, Willis, à Betty sa copine, à Clair la barmaid, ce repère où les chauffeurs viennent souffler et échanger leurs histoires de nuit. Chaque chapitre s'ouvre sur un extrait du règlement des taxis publics.
Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais à John Cassavetes pendant ma lecture. Peut-être à sa manière de capter le réel, d'écrire en laissant ses dialogues s'échapper tout seul, avec un naturel brut. Lorsque je lisais, j'avais cette sensation que Jack Clarck écrivait son roman en même temps que je le lisais. Comme chez Cassavetes, Taxi de nuit ne suit pas une intrigue classique, il laisse la ville et ses personnages parler d'eux-mêmes. le titre en anglais est Nobody's Angel. Pourtant, Eddie est clairement l'ange des rues de Chicago, un gardien anonyme qui veille sur les âmes perdues de la nuit, ramenant les gens chez eux, sains et saufs …