Livre pleins d'informations factuelles passionantes sur la vie et le contexte historique de Mozart. On y découvre son éducation stricte et studieuse, les affres du fameux tour d'Europe du mozart enfant, la rupture du compositeur et virtuose avec l'archevêque de Salzbourg, les difficultés amoureuses et matérielles d'un éternel enfant passionné mais bridé par une societe de merde.
L'analyse est toutefois particulièrement indigente. Une succession de réserves sur l'hagiographie de Mozart que j'aurai pu faire les coudes au comptoir servent à distinguer son livre et satisfaire son public de bourgeois philistins moins soucieux de réflexions profondes et de vérité que de "culture générale". Le livre particulièrement décousu prétend mettre à distance la notion de génie tout en la reconduisant par les raccourcis qui sont faits sur les racines sociales du génie : les procédures cognitives concrètes qu'a mille fois fait Mozart pour développer son talent. Loin des postulats matérialistes ou réalistes qui font l'intérêt des sciences sociales et s'attacheraient à décrire l'usage que Mozart a fait de sa mémoire, de son ennui, de ses doigts de son écoute, de sa compréhension précoce de l'harmonie, du rythme etc Elias produit un texte sans doute plus agréable mais teinté de naturalisme où des concepts abstraits universalisés viennent écraser la réalité concrète de Mozart. Ainsi l'artisan devient naturellement l'artiste independant, ainsi l'art tend naturellement à s'autonomiser, ainsi le marché est la forme aboutie de la diffusion de la musique, ainsi la psyché du musicien n'est pas constitué d'un imaginaire social et de pratiques incorporées mais du schéma naturaliste freudien où "l'animal" (c'est à dire le bas et l'illégitime dans la culture bourgeoise) est heureusement refoulé pour la sublimation qui aboutit à une musique "pure.
Elias marque bien souvent ses biais personnels, notamment lorsqu'il évoque les blagues de caca et de pets de Mozart comme une anomalie étonnante. Il y a peu de doute que les prolos qui assuraient la vie matérielle de ce trou de balle de sociologue ne se gènaient pas à parler de merde pendant que Monsieur assurait la distinction de ses recherches en dissertant sur un des piliers de la culture légitime.