Critique de Shaynning
BD adulte de 2020, "Chinese Queer" est ce genre de Bd qui comporte une forte dimension philosophique existentielle, un côté de critique sociale et un graphisme assez particulier.Faire un résumé de...
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le 22 mai 2022
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Incontournable Avril 2025
Après avoir lu le petit roman québécois "La princesse qui voulait devenir générale" de Sophie Bienvenu, voici son pendant britannique "Ne pas déranger les dragons". Dans les deux romans, nous avons une princesse bien lasse de toutes ses règles sexistes qui les confinent chez elles.
Grâce n'est pas née princesse, mais après avoir grimper une tour, alors âgée de 2 ans, et s'être recouverte de crotte de dragon ( censé porter chance), la petite demoiselle est adoptée par le Roi de Milmerveil. Ce pays scintillant de partout tient particulièrement à ses dragons, en conséquence de quoi tout un système de règles plutôt stupides régissent le quotidien des habitants. Et la nouvelle petite princesse n'y échappe pas. Élevée à la cour avec sa nouvelle sœur Portia, une jeune femme avide de lecture, Grâce grandit avec ce désir de plus en plus grand de sortir de l'enceinte du château pour devenir chevalière, mais on s'en doute, l'un comme l'autre lui sont interdits. Alors que le tournois de trolley-ball est en pleins préparatifs, les deux sœurs ont un plan: celui d’intégrer les jeunes hommes en tant que chevaliers et jouer leur tout premier match.
C'est un univers abracadabrant et déjanté, comme les affectionne les britanniques, dans la même veine que "Loki, Dieu presque parfait", "Matilda" ou "Dark Lord". Personnages un peu débiles, situations cocasses impliquant une tonne d'excréments et de pets, on est vraiment dans un style absurdement irréaliste, avec l'humour un peu immature que ça implique. Heuresement, certains personnages plus modernes viennent rehausser un peu le tout et on se plait à suivre ses deux sœurs complices, qu'aucune romance superficielle obligatoire du fait d'avoir des personnages principaux féminines ne vient gâcher.
J'aime particulièrement le duo père-fils composé de Bram et Baliverne, les diablotins métamorphes. Bram est un soigneur de licorne, prenant soin des montures cornées des chevaliers avec dévouement. Il a aussi tendance à se transformer en meuble, ce qui est quand même amusant. Physiquement, il a un double piercing à l'oreille gauche, un coiffure à la mode des Mohawk et une bouille sympathique. Gentil personnage sensible et solidaire, il n'a également aucun problème à porter une robe et jouer les princesses. À tant d'égards, Bram à lui seul dynamite des stéréotypes de personnage masculin. Son père lui ressemble beaucoup et semble apprécier de briser des règles quand celles-ci ne sont basées sur rien de logique. Bram et Baliverne sont de vrais alliés pour les deux princesses.
Dans le roman, il est question de Trolley-ball, qui est à peu de chose près du polo avec un troll en guise de balle. Tellement anglais comme sport! Les trollons sont de vrais trolls vivants, qui n'ont aucun mal à se faire frapper d'un endroit à un autre, puisqu'ils ont une peau très coriace. Ce sport me rappelle beaucoup la version "Alice au pays des merveilles" du croquet, où les maillets sont des flamands roses et les balles des hérissons roulés sur eux-même.
Il y a quelques petites erreurs ceci-dit, comme ce passage où les deux sœurs sont coincées les bras dans les airs, mais parviennent on ne sait pas comment à ouvrir et fermer une porte ou encore cette illustration des deux sœurs, dont on voit les manches à balais qu'elles enfourchent sortent des deux côtés de leur robe ( à moins d'avoir deux trous dans leur robe, c'est physiquement impossible).
Tout le temps que dur les préparatifs en catimini des princesses, les dragons changent de comportement. On assume que quelqu'un quelque part enfreins les règles. Le roman table donc sur l'absurdité de fixer des règles pour prévenir des changements dans la société, surtout sans la moindre corrélation scientifique. Les dragons ne sont pas en train de réagir au fait que deux filles font su sport: Ils changent car ils vivent un changement majeur dans leur vie. J'aime la dimension du roman qui questionne la pertinence des règles rigides, du contrôle au détriment de la connaissance et de la fausse causalité.
Je me fais également la réflexion que pour mes professeurs qui font encore face au machisme dans leurs classes, car il y a encore des parents pour faire perdurer des clivages de genre désuets, c'est le genre de roman que je suggérerais, qui amène un changement de perceptive avec douceur. On a des princesses qui ne sont pas des jolis bibelots sans cervelle, on a des chevaliers un peu benêts, des diablotins sympathiques, des sorcières inoffensives et même un léger accent environnemental avec tout ce crottin de dragons transformé en compost. Si les filles en tant que personnages ont longtemps été boudées par les gars, c'est qu'ils prennent pour acquis que les filles n'ont rien à leur apprendre et que s'ils s'aventurent dans un roman avec une fille, ce sera pour parler romance ( superficiel, c’est-à-dire basé sur la beauté). Ce fut vrai à une époque, ce l'est de moins en moins, heureusement.
Les chapitres sont littéralement des règles à ne pas enfreindre, toujours avec son dragon perché sur sa tour. Si vous regardez ces dragons au fil des chapitres, vous noterez que leur expression change peu à peu, en accord avec les changements constatés par les personnages. Les dragons ont beau être au cœur des problèmes vécus par les personnages, ils ne sont pas si présents que cela dans l'histoire. Les seuls fois où Grâce est "en contact" avec eux c'est pour se faire crotter dessus ( à trois reprises, quand même).
"Ne pas déranger les dragons" est le tome 1 d'une série de romans illustrés, qui ne réinventent pas le genre, mais a le mérite de secouer plusieurs vilains clichés de la littérature jeunesse du sous-genre Héroïque Fantasy. Et à ça , je dis toujours "oui"!
Pour un lectorat intermédiaire, 10-12 ans+
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Créée
le 9 avr. 2025
Critique lue 8 fois
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