Le succès de To Kill A Mockingbird n'a jamais eu quoique ce soit d'étonnant. Il est sorti dans un pays à une époque où le compas moral était sérieusement mis à mal . Son propos est bien trop intemporel et son écriture assez simple pour que l'on ne se sente pas concerné.
Le succès évident a quelque chose d'ennuyeux, d'inintéressant. J'ai commencé le livre à contrecœur, car je pensais que j'allais retrouver des choses que je connaissais déjà. C'était bien prétentieux de ma part. Car en fermant le livre, force est de constater que l'œuvre de Harper Lee n'a pas volé sa réputation. Il m'a totalement pris de court.
C'est que je ne m'attendais pas à Scout. Fille de l'avocat Atticus Finch, qui de haut de ses cinq (puis huit) ans nous conte l'histoire. Une narratrice extraordinaire, véritable femme de caractère en devenir. Nous sommes souvent intrigués par les réflexions que sortent parfois les enfants. Ce qui n'a rien de bien surprenant : ces derniers sont encore très loin d'être formés, et leur manque d'expérience les décrédibilise aux yeux des adultes pour qu'on les prenne en compte.
Sous-estimer les enfants est un défaut naturel ("Elle était de ces femmes sans enfant qui estiment nécessaire que l'on doive employer un ton différent quand ils s'adressent à eux."), pourtant ce sera
Scout et son frère qui sauveront leur père, en prise avec une bande de campagnards racistes.
Cette scène est juste magique. Scout, totalement ignorante du danger qu'elle court puisqu'elle n'a tout simplement pas intégré le concept de racisme, parvient involontairement à apaiser les esprits en faisant la conversation comme avec un ami.
C'est ce décalage qui fait tout le génie du livre. La vision par Scout permet au livre de mettre l'injustice et les autres grands thèmes du livre dans une version simple et pourtant si parlante. Et Cela ne s'arrête pas là. Confrontée à des adultes aux personnalités et motivations différentes, Scout interprète à sa manière la situation. Cela aurait été ennuyeux de suivre uniquement le point de vue d'une petite fille, c'est pour cela que la narration alterne entre le discours de Scout enfant et les pensées de cette dernière à l'âge adulte. Ce parti-pris permet également au livre de baigner dans une ambiance douce (bonheur simple de l'enfance) et amère (retour adulte sur la situation) où l'on suit avec joie les jeux d'enfants, le mystère Boo Radley, la punition chez Mrs Dubose, les moments de tendresse avec Dill, l'amour-haine fraternel avec Jem. Ce mélange entre naïveté enfantine et thèmes graves fonctionne à merveille.
Seul petit point faible : Atticus est un personnage bien trop parfait. Il est excellent. Mais vraiment trop parfait. Il aurait mérité quelques véritables moments de faiblesse.
Qu'importe. To Kill A Mockingbird se suit avec passion dès lors qu'on entre dans le monde de Scout. Et une furieuse nostalgie peut prendre le lecteur dès qu'il éloigne les yeux du livre. Nostalgie de l'enfance oui. Mais aussi et surtout la nostalgie d'une autre façon, bien plus détachée et moins teintée d'incertitude, de voir les problèmes de la vie.