Nox
7.9
Nox

livre de Yves Grevet ()

En six ans à peine, Yves Grevet a créé une œuvre majeure dans la littérature jeunesse en infiltrant tous les domaines, ou presque. De l'anticipation au policier en passant par une veine plus sociale, ancrée dans la réalité, ce touche-à-tout enchante des générations de lecteurs. J'avais moi-même adoré (et je pèse mes mots) Méto, Seuls dans la ville et L'école est finie dont vous pourrez retrouver mes articles en cliquant sur les titres.
C'est donc avec une grande ferveur que je me suis jeté sur son nouveau roman dès que je l'ai vu, au milieu de la pile de services de presse du rayon jeunesse il y a quelques semaines.

Yves Grevet attaque avec Nox une nouvelle dystopie. J'avais peur de me retrouver avec des relans de Méto trainant un peu partout dans le livre, mais pas du tout. Il a eu l'intelligence (et les capacités) d'inventer quelque chose de complètement nouveau, un univers, des lieux, des personnages, des enjeux. Il ne se répète pas et ça s'appelle, je crois, le talent.

Dans une société qui pourrait être la nôtre, la nature a été ravagée par l'homme. La ville est comme sur une montagne.
La ville haute ressemble à ce que nous connaissons : bâtiments cossus, électricité à tout va, beaux vêtements, parfums, nourriture de qualité, etc.
Quant à la ville basse, elle se trouve sous un épais nuage de pollution qui empêchent ses habitants de voir ne serait-ce qu'un rayon de soleil. Pour produire son électricité, chaque habitant doit pédaler ou marcher avec des chainettes pour l'emmagasiner. Les garçons apprennent le métier de leur père. Les filles, elles, doivent se trouver un bon garçon qui la mettra enceinte avant l'âge adulte, sous peine d'être la risée du quartier, et qu'elle épousera car la vie est trop courte, ici-bas, pour perdre du temps. On se dirige dans l'obscurité grâce aux coordonnées géographiques et à un système de cordage qui relie toutes les rues. On n'habite plus 40 Rue de la paix ou 182 Impasse des Étourneaux, mais en 232.20 ou en 700.17. La hauteur de notre habitation est proportionnelle à notre statut social. Plus on est haut, plus on est considéré, et plus on est proche de la ville haute, interdite quand même cela dit. En dessous de 100 vivent les Moincent, de vrais parias...
Bien entendu, la milice veille, qui est autorisée à tous les abus. Et certains en feront les frais.


Au milieu de ça, quatre amis d'enfance dans la ville basse, une fille dans la ville haute.
Ludmilla hésite à rentrer dans la résistance, son père est un grand ponte chargé de la sécurité civile, ils ne manquent de rien, elle est heureuse. Jusqu'au jour où sa gouvernante est contrainte de partir. En cherchant à savoir pourquoi, elle est amenée à réfléchir à sa condition et à celle de la ville basse.
Lucen, Gerges, Maurce et Jea (tout, dans la ville basse, est amputé de quelque chose : une lettre pour les prénoms, des ingrédients pour la nourriture, etc.) sont comme quatre frères. Pourtant leur amitié est mise à mal par le destin qui les attend. Le père de Gerges est responsable de la Milice locale des Caspistes (CASP pour Chacun À Sa Place) tandis que le père de Jea milite pour les Coivistes (COIV pour Chacun Où Il Veut) et que celui de Maurce, disparu, était probablement un terroriste. Le père de Lucen, héros du livre, est réparateur d'objets et fait tout pour paraître neutre.
Ces différences vont finir par peser sur leurs relations. Et maintenant que certains commencent à travailler et cherchent une copine, le court des choses s'accélère et la confrontation devient impossible à éviter.


Même s'il traite à nouveau des thèmes qui lui sont chers (l'oppression, la résistance, la liberté, les liens familiaux, la solidarité, l'amitié), Yves Grevet invente un univers complètement différent de ses précédents livres. Il change également de procédé d'écriture puisque trois narrateurs prennent la parole dans ce premier tome de Nox, Ludmilla, Lucen et Gerges. Procédé qui entraîne un point fort (le dédoublement de certaines scènes permet de les vivre de deux façons différentes) et un point faible (cela peut devenir répétitif). L'écriture est toujours fluide et maitrisée, sans fioriture et, surtout, sans lourdeur ni faute de français, fait à souligner pour un ouvrage jeunesse.

Voilà donc un très bon premier tome, qui augure une suite explosive, et qui ne souffre que d'un seul défaut majeur : attendre un an la suite d'un livre dont on a tourné les pages avec autant de frénésie que de passion est une véritable torture.
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le 12 août 2013

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