Génération désabusée

L'amour, l'amitié, le sexe, la marche du monde et autres sujets que l'on peut aborder dans une soirée, éventuellement arrosée, entre gens d'une même génération. Dans la continuité de Normal People mais un tantinet moins brillant (ou est-ce le côté découverte d'un univers qui ne joue plus ?), Où es-tu, monde admirable ? nous entretient jusqu'à plus soif de ce qui agite de jeunes trentenaires un brin désabusés, plus tristes que gais quand il s'agit d'évoquer leurs états d'âme. Cela se passe en Irlande mais les 4 jeunes gens ainsi portraiturés pourraient aussi bien habiter n'importe quelle autre contrée du monde occidental. Entre situations personnelles et considérations plus générales sur la société dans laquelle ils évoluent, les héros du livre, et plus particulièrement les 2 jeunes femmes, discourent beaucoup et agissent assez peu, celle qui est un romancière n'écrit pratiquement plus alors que l'autre occupe un emploi sous-payé et peu épanouissant. Si le roman semble aussi statique et parfois redondant, il le doit également à sa forme puisqu'il s'agit pour une grande partie d'un échange de très longs mails entre les dénommées Alice et Eileen. Quand ce n'est pas le cas, il peut arriver de confondre les différents protagonistes à cause de l'absence fréquente de ponctuation dans les dialogues. Bizarrement, le roman, apte à capter un certain air vicié du temps, fait parfois penser à une sorte de version féminine de Djian , y compris dans les scènes les plus "chaudes", mais moins dans les ruptures brusques de ton de l'écrivain français, il est vrai. Sinon, c'est assez agréable à lire et même à l'occasion pertinent quand il s'agit de fustiger la laideur de notre époque. Rien d'impérissable et assez oubliable, sans doute, mais presque jamais fastidieux et amusant de temps à autre, avec ce côté générationnel très marqué et assumé.