Train couchette

Paris-Briançon, Philippe Besson, Julliard

Une bonne idée peut faire un joli livre. On n’en est pas loin avec ce Paris-Briançon.

Philippe Besson nous fait traverser des vies en nous embarquant dans un train de nuit, dont il écrit dès les premières pages, que toutes ne survivront pas au voyage. Evidemment, cela met la pression sur le lecteur et donne grand joie à l’auteur, lequel s’amuse follement en nous faisant découvrir ces anonymes qui, en prenant place dans notre compartiment ou celui d’à côté, bavardant dans le couloir, tardant à s’endormir, deviennent nécessairement des voisins, des proches ou - pourquoi pas ? - des amants de couchette.

Bien des choses, dans ce court récit, sont réussies : cette ambiance curieuse, un peu hors sol, des gares la nuit ; prendre un train de nuit, seuls les anciens s’en souviennent, c’était toute une aventure : l’appréhension de la proximité, se frotter à une intimité qui va s’imposer à nous, imaginer une rencontre (pourquoi pas ?) , la curiosité, plus forte que dans tout autre transport collectif, pour ceux qui vont s’endormir à nos côtés, la crainte de les déranger ou de les incommoder, l’impératif ou le désir sinon de complaire du moins de ne pas les gêner, tout ceci est très bien rendu.

La galerie de portraits des voyageurs l’est tout autant. L’empathie de l’auteur pour ses personnages, si divers mais mêmement embarqués, croqués en quelques traits plein de vérité, nous les rend sensibles. Pourvu qu’ils arrivent à bon port se dit-on constamment en suppliant l’auteur : pitié, pas lui ou pas elle !

Et l’histoire qui se noue entre deux voyageurs qui n’ont a priori en commun que de partager le même compartiment, un médecin, la quarantaine, voyageant seul jusqu’à la maison familiale des Hautes-Alpes qu’il faut vendre et un jeune hockeyeur sur glace qui s’est pété le ménisque et qui rentre rejoindre sa fiancée après voir passé des examens médicaux à Paris est bouleversante de sensibilité retenue. Le jeune, timide mais plus encore intrigué par cet homme seul, finit par comprendre et ose un “Vous avez su quand”, auquel son compagnon de voyage répond avec une grande sincérité avant de retourner la question, plus inattendue encore quand elle vise le jeune sportif à la fiancée : “ Et vous, vous avez su quand ?” qui va bouleverser ces deux vies.

Et puis, c’est l”accident de parcours qui va cruellement faucher ces histoires entre inconnus entrain de se nouer.

Oui, c’est presque réussi. Presque car Philippe Besson, qui est davantage un conteur d’histoires qu’un véritable écrivain, ne parvient pas à se défaire d’un ton bluette qui affaiblit beaucoup tout ce qu’il touche. Même quand le drame rode. C’est un peu dommage. Mais cela se lit sans déplaisir en une paire d’heures. Le temps d’un Valence-Paris en TGV.