le platon le moins bête
Probablement le Platon le moins bête que j'ai lu, probablement parce qu'ici on se contente de discuter des "étiquettes" qu'on donne aux choses en elles mêmes, plutôt "qu'étiqueter" les choses de...
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le 14 mai 2024
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Le Parménide est sans aucun doute l'un des dialogues les plus ardus de Platon pour le non-initié. Paradoxalement, c'est aussi l'un de ceux qui ont le plus marqué l'histoire de la philosophie, suscitant des commentaires intenses de la part de penseurs comme Hegel, Heidegger ou Kierkegaard.
Sa composition est déroutante et à première vue obscure. Rédigé sous la forme d'un dialogue rapporté, il met en scène la rencontre entre le célèbre Parménide – auteur du Poème (première œuvre de métaphysique de l’histoire) qui établit que l'être est – et un tout jeune Socrate, âgé d'à peine une vingtaine d'années.
La discussion s'articule entièrement autour de la métaphysique de Parménide et de ses implications. Le premier échange confronte Socrate à Zénon, un disciple de Parménide connu pour ses paradoxes. Zénon a récemment rédigé un ouvrage démontrant l'absurdité de l’existence de la multiplicité. Socrate, avec sa perspicacité habituelle, lui fait remarquer qu'il ne fait que reprendre la théorie de Parménide sous une forme inversée et avec un raisonnement par l'absurde, une approche insuffisante pour défendre cette théorie. Socrate propose alors de mener le débat sur l'unité et la multiplicité des "Formes" (ce que l'on appelle communément "monde des idées", bien que Platon n'ait jamais utilisé cette expression), c'est-à-dire de ce qui existe au-delà de notre monde sensible.
Impressionné par la qualité de cette critique, Parménide saisit le potentiel de Socrate. Il lui propose de l'initier à la dialectique pour lui permettre, un jour, de discuter de la multiplicité et de l'unité des Formes de manière plus aboutie.
Cette dialectique, jamais clairement définie par Platon autrement que comme un dialogue et comme "la plus belle chose du monde", est présentée ici comme un exercice de réfutation rigoureux. Par un jeu de questions et de réponses, elle permettrait de démasquer toutes les fausses hypothèses jusqu'à ce que seule la vérité subsiste.
Dans la seconde partie du dialogue, Parménide met cet exercice en pratique. Il examine son concept de l'Un à travers une série d'hypothèses exhaustives (Si l'Un est, que se passe-t-il ? Si l'Un est et n'est pas, que se passe-t-il ? Si l'Un n'est pas, etc.). C'est cette partie qui a fasciné tant de philosophes, car elle ouvre un millier de portes différentes. Certains y ont vu les fondations de la transcendance (que l’on retrouvera ensuite chez Plotin et les penseurs chrétiens), d'autres y ont trouvé les germes de leurs propres théories (cf. Hegel et l’esprit absolu), d'autres encore y ont décelé les débuts d'une véritable métaphysique (cf. Heidegger).
L'exercice dialectique, en apparence, finira par ne mener nulle part : tout semble avoir été réfuté, ne laissant derrière lui que le néant. Pourtant, ce "rien" est immense, car il est "vérité absolue", comme le dira le jeune Aristote (un homonyme du célèbre élève de Platon). La vérité est trouvée, l'exemple est donné. Socrate consacrera sa vie à utiliser cet outil pour débusquer la vérité, échouant souvent, mais toujours en quête. C'est là la beauté de l'œuvre du plus grand philosophe de l'Histoire : il aura passé sa vie à tenter de circonscrire les infinis contours de la vérité.
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Créée
le 13 janv. 2012
Modifiée
le 16 août 2025
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