Dès le prologue, Michel Ciment nous donne une bonne mise en situation avec un court rappel historique et biographique des réalisateurs interviewés dans le livre. Nous pouvons voir tout de même que l'attention est beaucoup plus porté sur les anciens réalisateurs que sur les nouveaux. Ceci s'explique par le fait que Wilder, Huston et Mankiewicz font partis des piliers du cinéma Hollywoodien classique par rapport aux trois autres qui sont plus modernes. De plus, avant chaque interview, l'auteur nous parle brièvement du contexte et des conditions dans lesquelles ce dernier a été réalisé. Cela est très bien pensé puisque le lecteur peut se retrouver historiquement dans les déclarations des cinéastes et comprendre ainsi leurs mentalités et manières de penser. Mais qu'en est-il réellement au niveau du contenu?


Nous pouvons voir pour les trois réalisateurs d'antan qu'énormément de questions sont centrés sur le contexte de production de l'époque. Ceci est très bien car ils nous font part des difficultés qu'ils ont éprouvés pour produire tel ou tel film ou tout simplement des conditions imposés par les grands studios. Ainsi, Wilder nous parle du rendement hebdomadaire incroyable que la Paramount demandait aux scénaristes et réalisateurs. Nous pouvons discerner une sorte de Taylorisme cinématographique où le personnel devait remplir des cotas de production. Cela m'a permis de me rendre réellement compte des commandes imposés par les studios de l'époque.
De plus, deux des trois réalisateurs choisis pour l'ancien temps sont d'origines européennes et cela permet de voir comment les réalisateurs du «vieux continent» se sont fondus dans la masse et le système Hollywoodien tout en gardant leur singularité. En fonctionnant ainsi Michel Ciment balaie une grande partie de leur carrière jusqu'à des interview post-carrière Hollywoodienne.


De ce fait, nous pouvons voir le recul des metteurs en scène, une fois cette période classique passé. Le plus marquant pour moi reste celui de Huston qui répond à une de ces questions avec une grande sagesse. Michel Ciment lui demande pourquoi il n'habite plus à Hollywood et Huston lui répond très simplement: «Retourner à Hollywood? Non, je préfère la campagne». Cette réponse montre bel et bien la réflexion d'un vieux réalisateur lassé par le système Hollywoodien. Roman Polanski rejoint cette idée en disant préférer l’Europe à l'Amérique car il se sent dépaysé sur le «nouveau continent». Cependant, les avis des deux cinéastes divergent quand à la nouvelle génération de metteurs en scène du Nouvel Hollywood. Huston reconnaît les bons films et acteurs, qui sont selon lui, parfois meilleurs que ceux de sa génération alors que Polanski est beaucoup plus admiratif des anciens du classique Hollywoodien.


Miloš Forman et Wim Wenders ont également des questions sur leur enfance et leur adaptation au cinéma Américain mais de manière assez succincte. En effet, il n'y a qu'un bref retour sur la transition entre les carrières Tchécoslovaque et Américaine de Forman et l'enfance dans la RFA de Wenders, ce qui est plutôt dommage. Malheureusement, le reste est assez inégal dans l'ensemble.
Il est vrai qu'à certains moments, il m'est arrivé de perdre un peu le fil du livre et de m'en détacher par défaut d’intérêt. Par exemple pour Wenders, il y a énormément de questions sur ses films qui deviennent vite barbantes si nous ne les avons pas vu. De plus, certaines réponses spoilent les films cités ce qui est vraiment dommage pour le lecteur envieux d'appréhender ces œuvres. En outre, il y a vraiment des questions inutiles quand au propos de base du livre qui ralentissent le rythme de l'interview. Cela se confirme par les réponses très courtes de John Huston par exemple. Pour rester sur ce dernier, j'ai pu noter un certain problème dans l'ordre logique des questions. Parfois, il y a des questions tiroirs aux réponses qui amorcent d'autres questions et à d'autres moments on passe d'un sujet à un autre (complètement différent). C'est dommage car lorsqu'il y en a, cela donne plus de vie à l'entrevue. Dans le cas contraire on a l'impression que le journaliste remplit une «check-list».
Un autre aspect récurent mais pas moins intéressant reste la découverte des personnalités de chacun. Par exemple, il est plutôt appréciable de connaître certains aspects de la vie des réalisateurs du «Nouveau Monde» qui auraient pu influencer leurs carrières et choix cinématographiques. Mais pour d'autres, la désillusion peut-être totale. Par exemple, c'est avec déception que j'ai découvert la véritable facette de Roman Polanski qui s'avère être un personnage assez pédant et prétentieux. Je ne pensais vraiment pas ça de lui mais le livre m'a dévoilé cet aspect plutôt péjoratif.


Il critique tout le monde en commençant par son pays (la France) et ses collaborateurs. Je ne pensais vraiment pas qu'il dénigrait autant John Cassavetes. Lors de l'interview à propos de Rosemary's Baby, Polanski dit que ce dernier n'est pas un metteur en scène. Cela est plutôt regrettable lorsqu'on voit les films qu'il a réalisé et qu'il se retrouve à l'affiche du film en question. De plus, Roman Polanski est suffisant quand à son interview en se mettant lui-même sur un piédestal et dénigre les questions du journaliste en changeant de sujet dans ses réponses de manière assez insolite.


Pour conclure nous pouvons dire que cela reste un ouvrage assez inégal dans sa construction surtout quand à son propos de départ sur la quatrième de couverture:
«Comment se confronter à l'Amérique? Quel était le fonctionnement des grandes compagnies de production? Comment un cinéaste acquiert-il son indépendance? Quelles sont aujourd'hui les conditions de la création à Hollywood?». Le livre ne se concentre pas uniquement sur ça et cela reste assez paradoxal vis à vis du lecteur. D'un coté c'est une sorte de publicité mensongère mais de l'autre, le fait que les entretiens soient beaucoup basés sur les films des cinéastes est une invitation vers la découverte de leurs œuvres. C'est un bon outil pour mieux appréhender les caractères des cinéastes présent et connaître quelques anecdotes sur les films. Cependant, je ne l'ai pas ressenti comme un énorme complément pour les méta-films et la réflexion sur le système Hollywoodien.

Matcinéphile
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le 1 déc. 2017

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