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Un avocat contre une dérive politique intolérable

Comme la littérature, le droit demeure souvent le premier rempart contre la violence. Lorsque l’on emprisonne les écrivains ou que l’on brûle les livres, il faut s’alarmer ; et il faut s’inquiéter tout autant lorsque la justice se met à servir des maîtres.

A contrario, dans une plaidoirie qui tient du morceau de bravoure, Malka démontre que la bêtise, la haine et l’intolérance peuvent encore se heurter à quelques résistances dans notre pauvre Occident finissant.

Il souligne d’abord l’étrangeté d'une plainte déposée par le parti d’extrême gauche LFI contre le philosophe et éditorialiste Raphaël Enthoven, alors même que des dizaines d’exemples ( y compris venant de personnalités occupant de très hautes fonctions, que l’avocat cite ) révèlent combien le constat de l’antisémitisme au sein de LFI est récurrent. Malka analyse chaque mot de la tribune d’Enthoven dans Franc-Tireur, texte à l’origine de la mise en accusation, et déconstruit point par point les dérives du parti de Jean-Luc Mélenchon.

Il démontre, preuves à l’appui, la violence systémique du mouvement. L’inventaire des déclarations publiques fait éclater au grand jour une stratégie déplorable, utilisée autant par les petits sympathisants que par les plus hauts représentants du parti, souvent élus, souvent députés. « Le plus grave, écrit-il, c’est que ce mouvement, en faisant élire des députés qui s’expriment à peu près comme des ivrognes, disqualifie la démocratie. En assistant au spectacle de leur violence, de leurs insultes, de leurs provocations constantes, même les personnes les plus raisonnables sont amenées à considérer que si la démocratie en est arrivée à produire cela, alors ce n’est peut-être pas le meilleur régime qui soit. Ou le moins mauvais, dirait Churchill. » (p. 21)

Malka établit ainsi, de manière implacable, que les accusations de complotisme ou de déficience évoquées par Enthoven ne sont que trop fondées. Il passe en revue les figures les plus médiocres de LFI, non sans humour : du pitoyable Guiraud au haineux Portes, en passant par le très médiocre Boyer et une Mathilde Panot d’une ignorance abyssale pourtant surpassée par l’ignare Delogu. Le pire restant bien sûr le chef du mouvement, dont les paroles à la suite de l’assassinat à Paris, par Mohamed Merah, de trois enfants juifs âgés de 8, 6 et 3 ans (la dernière exécutée à bout touchant, sa tétine encore dans la bouche)donnent littéralement la nausée.

Après avoir rappelé l’histoire ancienne des accointances entre une certaine gauche et l’antisémitisme - signe, pour Walter Benjamin, d’un « basculement dans une société totalitaire » -Malka énumère les études qui montrent l’envolée de l’antisémitisme en France, quand M. Mélenchon se contente de le qualifier de phénomène « résiduel ». Il relate l’horreur des agressions subies par des Juifs en France au XXIe siècle et met en lumière combien les discours des responsables de LFI dissimulent à peine un antisémitisme qui n’attend qu’un prétexte pour s’exprimer pleinement.

Les exemples qu’il rassemble sont nombreux, accablants, effrayants, en particulier à la base du mouvement, où les insultes « sale juif », « youpine », « dragon céleste » rivalisent avec les violences physiques, comme l’agression de Raphaël Glucksmann le 1er mai 2024, après une campagne ignoble orchestrée par LFI.

Le parti se réfugie volontiers derrière le terme « antisionisme », mais laisse régulièrement percer ce qui le mine : ainsi Mélenchon distingue-t-il « les Français »… et « les Juifs ». « En quelques mois seulement, écrit Malka, la passion obsessionnelle des Insoumis a transformé les Français en Juifs. L’extrême droite n’y était pas parvenue en plusieurs décennies. » (p. 41)

De fait, la presse d’extrême droite la plus radicale, comme Rivarol, délaisse désormais le RN pour encenser… Mélenchon, qui « sauve l’honneur de la France ». Un « honneur » qui passe, entre autres, par des allusions aux fours pour se moquer des Juifs (Malka joint à la fin de sa plaidoirie plusieurs des 110 pièces du dossier), ou par la contestation de la réalité des crimes du 7 octobre, attribués selon l’ignoble Guiraud aux Juifs eux-mêmes.

Dans une effroyable montée en intensité, Malka termine en montrant que Mélenchon instrumentalise sciemment l’antisémitisme, cette « providence », pour Maurras, sans laquelle « tout paraît impossible ; par elle, tout s’arrange, s’aplanit et se simplifie » (p. 51).

« Quel est donc ce procès où l’on tente de faire taire ceux qui dénoncent la haine plutôt que ceux qui la propagent ? Ils se disent insoumis pour mieux soumettre ceux qui ne pensent pas comme eux, ceux qui dénoncent le danger qu’ils représentent. Ils vous demandent, vous, le tribunal, de faire de la loi de 1881 un instrument de conquête du pouvoir au profit de l’obscurantisme. » (p. 43)

La plainte de LFI a été rejetée, le tribunal rappelant que « le style et l’attitude de certains représentants de ce mouvement, et en premier lieu de son fondateur, ainsi que leur langage outrancier et violent » ne permettent nullement de condamner Enthoven.

Alors, merci Maître Malka : merci d’avoir encore le courage de défendre la raison, de dénoncer la haine, d’alerter contre les stratégies les plus ignobles d’hommes politiques qui s’amusent à attiser un feu qui, si nous ne l’éteignons pas avec détermination, pourrait embraser nos démocraties finissantes. Ceux qui voteront pour ce parti de la honte ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.


jaklin
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