Pierre, ou Le Fou
Ceux qui ne le connaissaient pas diront qu’il était fou, quand ceux qui ont pu le connaître objecteront qu’il avait trop grand cœur. Pour les premiers, il restera celui qui avait tout et qui a tout...
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le 12 sept. 2025
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Après Moby Dick et son échec commercial absolu, Melville renchérit avec un nouveau roman qui ne se contente pas de faire un four mais choque en plus la critique puritaine au point de l'exclure de la sphère littéraire américaine qu'il avait intégrée avec ses récits de voyage. Une très bonne nouvelle quand on sait que Melville nous livre des récits d'un génie inversement proportionnel au succès de ses livres dans leur époque !
Pierre est un roman imbibé de Shakespeare, avec Dante en guise d'épices : c'est l'histoire d'une faute paternelle non expiée qui se transmet à sa progéniture qui descendra à sa place dans l'enfer, comme dans toute tragédie qui se respecte. C'est une dragée rose et bleue laissée un peu trop longtemps dehors, et dont le noyau d'amande pourrirait le premier jusqu'à vicier entièrement l'extérieur.
Pierre est jeune, beau, viril, promis à un heureux mariage avec Lucy, une jeune demoiselle tout aussi bien réussie. Seulement voilà, Pierre est habité par l'ambiguïté héritée de son père : un jour il découvre sa sœur, née de l'union illégitime de son père avec une française avant son mariage avec une autre femme, la mère de Pierre. Il endosse cette faute en abandonnant tout le bonheur promis au profit de la protection de cette sœur qu'il est contraint de faire passer pour son épouse. Pierre paye alors fatalement à petit feu cette série d'ambiguïtés déplacées pour le milieu aristocratique dont il est issu.
Son unique porte de sortie, l'écriture, est de même rapidement vécue comme un conflit: conflit avec les mots, conflit avec la page, conflit avec le lecteur. Son Inferno met en abyme les interrogations morales dont il est assailli par la société et reçoit de ce fait le même sort que lui. L'écrivain, son écrit et ses muses terminent dans une fin époustouflante de picturalité et de puissance.
Une tragédie magistrale menée par le style très singulier de Melville. Lecteur de romans à péripéties s'abstenir.
P.S. : ne pas lire le résumé de la 4ème de couverture de l'édition Folio qui réussit l'exploit d'être mauvaise au point de réunir tous les défauts d'un résumé en 8 lignes : elle ne donne aucune information intéressante ni ne donne envie de lire le roman, ne parle que des dix dernières pages, et déflore de ce fait la fin !
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Créée
le 15 avr. 2016
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le 12 sept. 2025
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** "Ah l'innocente ! Qu'elle me plaît !" ** Oui moi aussi je fais partie du collectif Tous unis dans la haine pour le XVIIIe siècle mais pourtant ... J'avais déjà flairé Diderot pour son Jacques le...
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