Ce roman est avant tout autobiographique. L'auteur (née en 1959) raconte, dans un premier temps, son enfance traumatisante, étant adoptée par un couple qu'on ne peut plus anormal : la mère, obèse et obsédée par la Bible et l'Apocalypse, reste éveillée toute la nuit pour ne pas dormir avec son mari. Elle hait tout le monde et déteste son corps, énorme. Elle dirige tout dans la maisonnée, qu'elle condamne au cloisonnement : social : elle n'admet aucune visite (elle a trop honte de son intérieur misérable) et spirituel : elle interdit toute autre lecture que la Bible. Bien entendu, de toutes ses forces, elle luttera contre les prémices d'une émancipation sexuelle chez sa fille adoptive. Ce qui oblige cette dernière à se réfugier derrière les livres de la bibliothèque, puis de l'université, pour supporter cette vie infernale et pour conforter ses choix. La seconde partie porte sur les conséquences à l'âge adulte de cette éducation : les crises de dépression et la recherche de sa mère biologique.

Au final, j'ai l'impression que la question-titre n'est pas réellement résolue par l'auteur au travers de ce livre, ni même vraiment traitée en fait. Cette question intrigante, autour de son titre en antithèse originale, n'est illustrée que brièvement à divers passages. Je vous laisse lire le livre pour découvrir qui pose cette question. J'aurais plutôt appelé ce livre "Comment être heureux quand on ne veut pas être normal ?" On comprend que l'auteur tente, avec l'âge, de trouver ce qui lui a tant manqué durant son enfance : l'amour. L'amour qui donne le goût de la vie, l'amour qui invite à aimer les autres, l'amour qui permet de s'aimer soi et de grandir dans ses convictions : être aimé(e) pour ce que l'on est et ce que l'on veut-être soi-même, et non pas pour ce que l'on voudrait que l'on soit. Ce manque, l'auteur semble avoir cherché à le combler toute sa vie. Elle l'a peut être trouvé grâce à la littérature, qui lui a enseigné comment aimer et être aimée, ses compagnes successives, avec qui alle a appris à aimer et être aimée. Cependant, la conclusion du livre, à propos de sa mère biologique, me permet d'en douter. N'aurait-elle finalement appris qu'à se comporter comme une personne qui aime ? Dans l'amour, il y a aussi le pardon.

Bref, je conseille ce livre pour son côté autobiographique : les anecdotes poignantes foisonnent, même si elles sont parfois curieusement adjointes. Je retiens aussi la réflexion très intéressante sur la masse et l'énergie : la mère qui s'entoure de chair pour s'isoler.

Ce livre m'a aidé, dans une période un peu noire, à relativiser ma condition, et à trouver un exemple d'espoir.
Qüentito
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le 27 déc. 2013

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