De l'Irlande au Liban, les livres de Sorj Chalandon évoquent le plus souvent des conflits et combats fratricides. A priori, Profession du père se situe sur un autre registre mais en vérité il y est aussi question de guerre : psychologique celle-ci et d'autant plus terrible qu'elle concerne l'ascendant d'un père sur son fils, l'histoire d'une énorme série de mensonges qui ont duré des années avec toute la monstrueuse perversité qu'elle suppose. L'écrivain ne cache pas dans ses interviews la part autobiographique de ce récit et la nécessité d'écrire enfin pour exorciser cette période de sa vie, mais seulement après la mort du géniteur : "C'était important pour moi qu'il ne puisse pas le lire pour que je me sente absolument libre." le livre est très ancré dans le début des années 60 alors que De Gaulle apparaît comme un traître aux yeux des partisans de l'Algérie française. Ce qui est fort dans le livre est la façon dont Chalandon décrit cette manipulation par un tyran domestique d'un garçon de 12/13 ans, avec une écriture à hauteur d'enfant, oscillant entre la comédie d'aventures (c'est excitant de jouer à l'agent secret) et le drame (la violence physique et mentale). le personnage de la mère, ambigu, à la fois soumise, complice et victime d'un mari paranoïaque, est très marquant. Son attitude après la mort de ce dernier permet au livre de se terminer sur une note presque absurde, drôle en tous cas, quoique terrible également. C'est cette ambivalence qui fait la valeur de ce roman (et le fait respirer) avec aussi la constatation que d'une enfance blessée et martyrisée, on peut se relever et construire sa propre existence avec une attention d'autant plus aigüe envers les autres et une sensibilité exacerbée.

Cinephile-doux
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le 4 janv. 2017

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