Troisième et dernier épisode, très attendu, de la trilogie de Frédéric Paulin

Dernier épisode, très attendu, de la trilogie de Frédéric Paulin qui nous éclaire brillamment sur les enjeux de la Guerre du Liban au cours des années 70 et 80.

Mais c'est aussi un regard critique porté sur la France de l'époque, ses compromissions et sa diplomatie, ses grandes manœuvres et ses petites combines.


Frédéric Paulin termine magistralement ici sa trilogie sur la Guerre du Liban avec le troisième épisode : Que s'obscurcissent le soleil et la lumière.

Tout avait commencé en 2024 avec Nul ennemi comme un frère qui couvrait les années 70 puis 80.

Ce fut ensuite, début 2025, Rares ceux qui échappèrent à la guerre qui nous rappelait les années 80.

Ce second épisode se refermait sur le bruit de l'explosion de l'attentat de la rue de Rennes (en septembre 86) dont l'écho résonne encore lorsque débute ce troisième et dernier opus consacré à la fin des années 80 jusqu'à la libération des otages français et une nouvelle invasion du pays par la Syrie en 1989.


Comme dans toute bonne série, on a le plaisir de retrouver, aux côtés des personnalités bien réelles de l'époque, ces personnages de fiction qui vont continuer à nous servir de guides dans l'imbroglio libanais où se mêlent trop étroitement politique, guerre et religion : Kellermann l'agent de l'ambassade accro aux anxiolytiques et à la belle Zia al-Faqîh l'interprète chiite, l'arrogant Christian Dixneuf l'agent de la DGSE, la juge antiterroriste Gagliago et son mari des RG, les chrétiens maronites de la famille Nada, ...

Aucun n'est tout à fait sympathique, chacun se débat dans une Histoire où les enjeux le dépasse et tous vont être particulièrement malmenés dans ce troisième épisode de la série.

F. Paulin nous parle évidemment du Liban mais on (ré-)apprend également beaucoup de choses sur la France de l'époque, celle qui croyait encore tirer les ficelles de sa diplomatie : nous voici au cœur de la cohabitation Mitterrand-Chirac, dans les coulisses où se jouent les grandes manœuvres et les petites magouilles de Tonton pour sauvegarder son pouvoir et celles de la droite pour le reconquérir derrière Chirac et Pasqua.

Il n'est jamais inutile de réviser un peu notre propre passé récent, même avec une vue depuis Beyrouth !

« [...] La guerre au Liban n’a jamais été que la guerre menée par des puissances étrangères à travers leurs pions libanais.

[...] — Ma guerre ? Mais cette guerre, c’est aussi celle de la France. Celle des Israéliens, des Syriens, des Iraniens, des Français, des Américains, peut-être même avant d’être la nôtre. Dixneuf tire une longue bouffée de sa cigarette, recrache la fumée.

— Votre guerre, c’est une putain de guerre mondiale, en fait.

[...] Le Liban, ce grand bordel. Le Liban n’en finit pas de se faire la guerre. Les alliances, les mésalliances, les contre-alliances, les fausses alliances. Qui peut encore tenir la chronique de cette guerre ? »


Bien sûr c'est un roman, avec quelques personnages de fiction pour rendre notre lecture agréable, avec des espions et de l'action, des victimes et du suspense, des méchants et des gentils (euh, des gentils, y'en n'a pas beaucoup), mais ce n'est pas un thriller à la James Bond, c'est un roman à la belle façon de Frédéric Paulin : c'est l'Histoire avec un grand "H" qui nous est contée et les faits relatés sont méticuleusement vérifiés par cet auteur scrupuleux qui possède l'art et la manière de mettre tout cela en lumière pour notre bonne compréhension. Question de perspective.

La trilogie de Frédéric Paulin fournit un éclairage politique et une vue analytique de l'histoire du pays.

Désespérante mais analytique.

« [...] Le chaos est, à nouveau, la seule solution qui s’offre.

[...] Le chaos va s’ajouter au chaos. »

Pour autant, on ne rejoint pas tout à fait le clan des très enthousiastes : au fil de ces trois épisodes, Frédéric Paulin nous semble avoir beaucoup hésité entre le roman (avec ses personnages de fiction, plutôt bien choisis) et la chronique historique (plutôt magistrale) et le lecteur ne sait jamais trop sur quel pied danser.


Ces lectures n'en demeurent pas moins des plus révélatrices du destin tragique de ce pays, véritable Moyen-Orient en miniature.

Reconnaissons à F. Paulin le mérite de nous avoir permis de comprendre les enjeux des pays voisins (Syrie, Iran, Israël, ...), les compromissions de la France (ah le fameux prêt Eurodif !) ou celles des États-Unis (ah l'affaire Contra-Iran !), ou bien encore les origines du Hezbollah.

Rien que pour cet éclairage donné, cette compréhension, cette trilogie du passé s'avère une lecture primordiale pour mieux saisir le présent et l'on regrette presque que la série se termine ici et que l'auteur n'ait pas encore osé aborder un passé plus récent.

Le manque de recul nécessaire sans aucun doute, alors patientons, cela viendra sûrement !

« [...] Dès son apparition, le Hezbollah a mêlé effort de guerre et soutien social. Il défend les déshérités. Le parti a construit des écoles, des hôpitaux, des centres de soins et des cliniques dentaires, il s’occupe des familles des martyrs et des blessés, des nécessiteux, il aide à reloger les exilés ou ceux qui ont tout perdu, il développe des services sociaux parallèles. Dans la Dâhiye où l’État est plus absent encore qu’ailleurs au Liban, le Hezbollah est un État providence à lui tout seul. Il a sans doute évité une plus grande catastrophe sociale chez les chiites. Le Hezbollah est tout ici. »

BMR
8
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le 21 sept. 2025

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Bruno Menetrier

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