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Il y a des sujets qui ne font pas vraiment débat même si à la marge on trouvera toujours une frange de la société pour arguer du contraire. Le don d'organe a priori fait partie de cette catégorie. Dans l'absolu nous sommes tous "pour", et la legislation le confirme puisque sauf si nous nous sommes au préalable inscrits dans un registre signifiant notre refus, nous sommes par défaut donneur.
Bien, maintenant que ce postulat est posé, je peux vous dire que je sors de la lecture de ce roman complétement épuisé et ébranlé. Pas que mes propres convictions soient bouleversées mais on découvre cruement tout ce que cela implique.
L'action se déroule en 24 heures et c'est bref quand on voit tout ce qu'il y a à y faire. On suit en parallèle cette journée du point de vue de la famille et des services hospitaliers. Toutefois cela retranscrit parfaitement l'urgence de la situation et des décisions à prendre. L'auteure expose magnifiquement le dilemne des deux points de vue. Comment digérer en si peu de temps la perte d'un enfant à peine adulte. Le paradoxe est insoutenable quand les médecins expliquent que c'est sans espoir aux parents à son chevet, alors qu'ils tiennent la main chaude de leur garçon ; qu'ils peuvent sentir encore un coeur battre et la respiration soulever sa poitrine. Ce roman c'est cela d'un bout à l'autre. Un drame isolé au Havre, presque banal, mais dont on voit les implications. Tout un engrenage bien huilé. Des rôles endossés pour mener à bien une partie d'un tout.
Cela commence par la prise en charge de la famille qu'on voudrait ménager mais que par la force des choses on ne peut que violenter. Dès que le consentement est arraché, on regarde fasciné ce patchwork s'assembler coûte que coûte. Tout y passe, en désordre, les points de vue de divers membres de la famille et des proches, du patient receveur, des infirmières, des coordinateurs, des chirurgiens, des personnes en charge de transporter le greffon d'une ville à l'autre... etc.
L'écriture est par ailleurs assez surprenante puisque par delà l'action de ces 24 heures effrenées, chaque protagoniste ou presque se permet de digresser le temps d'un paragraphe ou une page ou deux sur un sujet qu'on pense totalement hors sujet. Vraiment une brillante idée de style qui nous rappelle que notre imaginaire n'est pas enchainé au seul sujet de l'action. Ainsi on voit cette coordinatrice très pro passer ses coups de fil à différents hôpitaux pour trouver un receveur idéal, et ruminer en parallèle parce qu'en manque de nicotine. Ailleurs c'est le type qui doit transporter le coeur du donneur qui à soudain toute une vie : d'origine italienne. Ancien gros. A une petite amie qui pique une crise parce que l'urgence lui saborde une soirée en amoureux. Il est fan de foot et pendant le trajet il suit activement les résultats du match Italie-France qui a lieu au stade de France et qui va perturber le parcours de son véhicule. Bref, l'auteure par petites touches fait intervenir des personnages qui existent par delà leur simple rôle dans ce créneau de 24 heures. Au fond comme dans la vraie vie nos pensées s'évadent à partir d'un détail. Ici les protagonistes ont aussi une vie et existent au delà de leur profession ou de leur rôle dans le roman.
J'ai rarement été aussi ému en lisant. Les choix sont faussement évidents et leurs répercussions implacables. L'auteure en donnant à lire les coulisses nous bouscule sans ménagements. Et c'est salutaire parce que cela nous confronte à la mise en pratique de décisions évidentes et faciles dans l'absolu. Que déciderions nous à la place des parents dont le fils est vivant visuellement mais mort au strict sens médical puisque dans un coma dépassé ? Le livre ne porte pas de jugement ou ne donne de conseil en la matière. Il pose "simplement" le débat très humainement et brutalement. J'ai également trouvé très pertinent d'avoir le point de vue du patient receveur qui explique qu'au final ce n'est pas plus un choix pour lui que pour le donneur.
Un roman qui fait réflechir et dont je suppose on ne sort pas moins que destabilisé.

SebastienBrassart
10

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Créée

le 11 janv. 2018

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